➘ 6 EXPOS à voir en galerie en octobre
Par Anne-Cécile Sanchez

Ange Leccia, Été 99, 2024, vidéo, musique Julien Perez, 20’14’’. Courtesy de l’artiste et de la galerie Jousse Entreprise, Paris

Ange Leccia – Slow
📍 Jousse Entreprise
6 rue Saint-Claude, Paris 3e
Jusqu’au 16 novembre 2024

Pourquoi il faut y aller : Ange Leccia a commencé à exposer au milieu des années 1970 tout en enseignant – à l’École supérieure d’art de Grenoble et de Paris-Cergy, puis au Pavillon, laboratoire de création au Palais de Tokyo qu’il dirige de 2000 à 2017. Sa démarche de vidéaste, entre cinéma expérimental et installation, est une référence pour plusieurs générations d’artistes, de Xavier Veilhan à Isabelle Cornaro et Julien Perez, en passant par Philippe Parreno et Dominique Gonzalez-Foerster.

Ce qu’on y voit : Ange Leccia a conçu l’exposition comme une déambulation contemplative. Elle débute avec le portrait diffracté du musicien Jacno (1957-2009) figure de la scène musicale des années 1980, qui évoque les premières créations visuelles et sonores de l’artiste. Elle se termine par un montage hypnotique d’images tirées de ses archives personnelles, sur fonds de slows et de couchers de soleil orange sanguine.

On aime : De l’Éblouissement initial, pur effet de lumière saisi dans l’obscurité, à Été 99 – « le dernier été du 20ème siècle » – le parcours de l’exposition invite à ralentir, à remonter le temps et à se souvenir de cette grâce inquiète qui caractérise l’adolescence, au seuil de la vie.

Lulù Nuti, Tube, GALERIE CHLOE SALGADO © Gregory Copitet

Lulù Nuti – TUBE
📍 GALERIE CHLOE SALGADO
61 rue de Saintonge, Paris 3e
Jusqu’au 16 novembre 2024

Pourquoi il faut y aller : Diplômée de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris en 2012, Lulù Nuti (1988) vit et travaille à Rome. Ce troisième solo à la galerie offre l’occasion de voir son travail en France où la sculptrice a jusqu’à présent peu exposé. Et c’est une vraie découverte.

Ce qu’on y voit : Lulù Nuti s’empare d’une barre de fer ronde qu’elle soumet à divers étirements, martèlements et ponçages, testant la résistance de la matière, et la sienne, jusqu’à la limite extrême. Le tube industriel se trouve ainsi animé d’une vie organique : tandis que sa forme s’étire et se courbe, son extrémité, ici patinée, là polie, s’épanouit d’un côté en large pétale et s’accentue de l’autre en pointe acérée. Lascives et menaçantes, ces œuvres remplies d’énergie laissent deviner par endroits les traces parfois brutales de la forge.

On aime : Dépourvues de socles, les sculptures prennent appui au sol ou au mur. Affublées de noms à la façon de personnages (Timide ; Apeuré ; Fuyant …), elles rejouent dans l’espace de la galerie l’éternel dialogue entre l’esprit et la matière.

Paul Maheke, Vert pétri d’eau, Galerie Sultana © Gregory Copitet

Paul Maheke  – Vert pétri d’eau
📍 Galerie Sultana
75 rue Beaubourg, Paris 3e
Jusqu’au 23 novembre 2024

Pourquoi il faut y aller : Paul Maheke (1985) fait partie cette année des sept artistes nominés (et collectivement lauréats) du 25ème prix de la Fondation d’Entreprise Pernod Ricard. Diplômé de l’École nationale supérieure d’arts de Cergy et de l’Open School East à Londres/Margate (Royaume-Uni), il décline un curriculum très fourni – notamment déjà nominé au 21e Prix de la Fondation d’Entreprise Pernod Ricard en 2019 – bien que son travail ait été peu exposé dans les institutions en France.

Ce qu’on y voit : L’artiste place au cœur de son œuvre (dessin, performance, vidéo, installation…) ses tentatives d’incarner des forces invisibles. Son installation à la galerie met en scène l’apparition-disparition de figures ambivalentes, moitié animales, moitié autoportraits, dont les contours à l’aérographe sont tracés à même de fins voilages de couleur, les silhouettes gravées dans le verre acrylique ou peintes sur des miroirs.

On aime : Se trouver d’un coup placé dans ce théâtre intimiste et la beauté inquiétante qui émane de ses harmonies chromatiques, voilages évanescents d’un « vert pétri d’eau » (référence à la pierre de péridot chère à l’artiste), socles brun rouge tels de hautes colonnes supportant des prismes de lumière cristallins, miroirs aux reflets flamboyants où chacun peut poursuivre ses propres fantasmes.

Kader Attia, Pluvialité, Courtesy mor charpentier, Paris © François Doury

Kader Attia – Pluvialité
📍 mor charpentier
18 rue des Quatre-Fils, Paris 3e
Jusqu’au 16 novembre 2024

Pourquoi il faut y aller : Depuis la fermeture de La Colonie,  lieu culturel transdisciplinaire – axé sur la décolonialisation des connaissances, des attitudes et des pratiques qu’il avait fondé dans le 10e arrondissement en 2016, peu après l’obtention du Prix Marcel Duchamp, Kader Attia s’était fait rare à Paris. Commissaire en 2022 de la 12e Biennale de Berlin (où il vit et travaille), il a exposé dans le monde entier, de la Biennale de Sharjah à celle de Gwangju.

Ce qu’on y voit : On retrouve ici, réparties dans l’ensemble des espaces de la galerie, quelques-unes des œuvres et des motifs récurrents (masques, sculptures de gueules cassées, éclats de miroirs …) réunis dans la toute dernière exposition d’envergure de l’artiste, au MoCo, à Montpellier (Descente au Paradis, juin-septembre 2024), notamment le diptyque vidéo Pluvialité #1. Récit à la première personne d’une métamorphose, tourné en Thaïlande sur fond d’architecture de temples doucement envahis par la végétation, ce film donne son titre et son tempo lent à ce solo magistral.

On aime : Outre le ballet des sculptures robotiques mettant en mouvement des bâtons de pluie ruisselant (Sans titre, 2024), une pièce phare frappe par son aura vénéneuse, malgré son apparente discrétion. Présentée dans la vitrine en alcôve, il s’agit d’une sculpture horizontale en verre qui se déploie au sol mais occupe tout l’espace, évoquant des gouttes de sang dont les reflets rougeoyants tremblent sur les murs. « La beauté, écrit Kader Attia dans son texte de présentation, est un pharmakon : elle est à la fois le remède et le poison ».

Léo Fourdrinier, Poems Hide Theorems, Galerie Les filles du calvaire © Nicolas Brasseur

Léo Fourdrinier – Poems Hide Theorems
📍 Les filles du calvaire
21 rue Chapon, Paris 3e
Jusqu’au 2 novembre 2024

Pourquoi il faut y aller : Depuis que l’on a vu à la 16e Biennale de Lyon son installation associant une carcasse de moto, une figure d’ange déchu et une phrase en néon (Mind and Senses purified, 2022), on est intrigué par le talent de Léo Fourdrinier. Finaliste de la Bourse Révélations Emerige (2022), montré dans le cadre d’un Été au Havre l’année suivante, il expose pour la première fois en galerie et à Paris.

Ce qu’on y voit : L’antiquité gréco-romaine hante le travail de cet artiste qui a grandi à Nîmes, où elle est partout présente. Ses sculptures jouent à associer des moulages de plâtre antiques avec des éléments anachroniques, sangles, béton, néon … Mais ce qui semble le plus amuser Léo Fourdrinier, ce sont les possibilités de la matière, moto carénée de marbre ou bloc de talc traversé par le trait bleu luminescent d’un fil électrique (Les étoiles déprimées, 2024). Jusqu’à la série Gravity qui voit des figures classiques déformées par le poids d’une sphère en miroir, dans un jeu de massacre suggérant l’effet boomerang du narcissisme contemporain.

On aime : il se dégage de ce premier solo show une impression de facilité virtuose. Mais pour parler de quoi ? Gageons que l’œuvre de Léo Fourdrinier va progressivement décanter.

Courtesy Thaddaeus Ropac gallery, Installation views © Charles Duprat © Sturtevant Estate, Paris

Sturtevant: Zip Zap !
📍 Thaddaeus Ropac
7 rue Debelleyme, Paris 3e
Jusqu’au 21 décembre 2024

Pourquoi il faut y aller : Voilà dix ans que l’artiste américaine a disparu, en 2014, quarante ans après sa première répétition consistant à reproduire, de mémoire, des œuvres de ses contemporains, de Marcel Duchamp à Claes Oldenburg.

Ce qu’on y voit : une plateforme bordée d’ampoules évoque la présence-absence d’un gogo-dancer – dont la performance reste imprédictible. Cette répétition de l’œuvre de Félix González-Torres Untitled (Go-Go Dancing Platform, 1991) est placée au centre d’une exposition qui embrasse cinq décennies de création, du tableau Johns Flag (1965-1966) présentée lors de sa première exposition en galerie à Paris, à une installation vidéo multi-écrans.

On aime : Cette exposition marque le centenaire de la naissance de Sturtevant : sa critique de l’authenticité supposée de l’œuvre d’art, qui remet en question la notion d’auteur, est plus que jamais d’actualité à l’ère de l’IA et de la circulation accélérée des images sur les réseaux sociaux.