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↘ « Une journée pour penser le temps autrement »
par Anne-Cécile Sanchez

Afin d’accompagner le cycle de performances qu’il a imaginé pour le Musée d’art et d’histoire de Genève, intitulé « IT’S ABOUT TIME », Thomas Conchou a convié des théoricien·nes, auteur·ices et chercheur·euses à présenter leurs contributions récentes au champ des chronopolitiques. Ce jeudi 27 février, dès 17h30 auMusée d’art et d’histoire de Genève, le séminaire réunira 5 intervenant.e.s : Amelia Groom, Caroline Honorien, Salma Mochtari, Rachael Rakes et Gary Zhexi Zhang.

Une journée pour penser le temps autrement

De la même façon que la rencontre avec une œuvre d’art a parfois le pouvoir de changer notre vie, certains séminaires ont vocation à modifier durablement notre regard sur le monde. Ce sera sans doute le cas de celui qu’organise jeudi 27 février Thomas Conchou en tant que curateur en résidence au Musée d’art et d’histoire (MAH), à Genève. Afin d’accompagner le cycle de performances qu’il a imaginé pour l’institution, intitulé « IT’S ABOUT TIME », Thomas Conchou (par ailleurs directeur artistique du Centre d’art contemporain de La Ferme du Buisson, en Île-de-France) a convié des théoricien·nes, auteur·ices et chercheur·euses à présenter leurs contributions récentes au champ des chronopolitiques, concept qui a donné son nom au symposium.

Concordance des temps au MAH

Le Musée d’art et d’histoire de Genève était l’endroit parfait pour accueillir le séminaire dédié aux « chronopolitiques ». Il suffit en effet de lever les yeux pour voir à son fronton un compte à rebours égrené par une horloge digitale : cette œuvre de l’artiste Gianni Motti Big Crunch Clock (1999) effectue en temps réel le décompte des cinq milliards d’années avant l’explosion du soleil. « Marc-Olivier Wahler, le directeur du MAH, est passionné par les questions liées au temps dans l’art, mais aussi par la recherche scientifique, et notamment par les avancées du laboratoire du CERN, un centre de physique des particules à quelques kilomètres de Genève », rappelle Thomas Conchou. Sa programation « It’s about time » a donc trouvé ici un écho plus que favorable.

Convergences chronopolitiques 

On sait depuis Norbert Elias (1897-1990) que le temps est une construction sociale. Ces dix dernières années, les praticien·nes de la théorie queer et d’études Noires se sont emparé·es de ce sujet et de ses nombreuses ramifications conceptuelles : historicité, temporalité, progrès, durée, temps perçu … pour n’en citer que quelques-unes, explique Thomas Conchou, précisant : «Le concept de « chronopolitique » a été forgé par Elizabeth Freeman. Dans son ouvrage Time Binds: Queer Temporalities, Queer Histories (2010), cette spécialiste de littérature américaine et des études de genre montre comment dissonances temporelles et sexuelles sont intimement liées. Et elle a développé les différentes manières d’engager, de négocier ou de refuser les normes temporelles dans lesquelles nous vivons ». 

Un aperçu du programme 

Très riche, le séminaire réunit 5 intervenant.e.s. Amélia Groom se présente comme écrivain, historienne de l’art et théoricienne. Avec Rachael Rakes, commissaire d’exposition et écrivaine, elle a coédité la revue en ligne No Linear Fucking Time dans le cadre de l’exposition éponyme organisé à BAK, Utrecht (Pays-Bas). Elle prévoit notamment de parler de son essai sur le refus de la chanteuse Mariah Carey de reconnaître le temps linéaire. Caroline Honorien est historienne de l’art, critique d’art indépendante, éditrice et commissaire d’exposition ; sa recherche se concentre sur les pratiques de la diaspora noire et des praticiens queer. Elle va notamment évoquer les œuvres de l’artiste britannique Dominique White et de la chorégraphe Cherish Menzo, projeter un extrait du film de la vidéaste et plasticienne Aliha Thalien et faire écouter au public des extraits sonores de DJ Screw. La chercheuse et commissaire d’exposition Salma Mochtari entend pour sa part s’appuyer sur les travaux des philosophes Michel Foucault, Jacques Derrida et Saidiya Hartman, afin de creuser la question du manque d’archive(s) documentant l’histoire des dominés. L’artiste et écrivain Gary Zhexi Zhang, s’intéresse quant à lui à la façon dont le temps est vécu à l’échelle humaine et systémique. Son intervention abordera des réalités aussi tangibles que la modélisation des assurances contre les catastrophes dans le contexte du changement climatique, les investissements spéculatifs à l’ère des taux d’intérêt nuls, mais aussi les nouveaux systèmes de croyance qui se nourrissent de l’incertitude et sont diffusés sur les réseaux. 

« La question du temps est aujourd’hui une préoccupation majeure, curieusement occultée, note Thomas Conchou. Alors même que notre difficulté à nous projeter dans le futur influence notre conception de la vie ». Cela mérite sans doute réflexion. 

Chronopilitiques, séminaire en accès libre et gratuit – MAH Genève – 27 février