GALERIE FRANCK ELBAZ / JA’TOVIA GARY
Pour sa deuxième exposition à la galerie Frank Elbaz, l’ancienne collaboratrice de Spike Lee a invité deux artistes amies, Doreen Lynette Garner et Eniola Dawodu. Leurs œuvres sont réunies autour d’une installation centrale : dans la première salle se dresse une structure évoquant la pyramide et le tipi, dont les pans ouverts, tapissés de fleurs de coton, servent d’écran. Un extrait de l’opus autobiographique sur lequel travaille actuellement Ja’Tovia Gary y est projeté. Intitulé Montage Mitochondrial, ce collage vidéo qui mélange archives familiales et images anonymes est parcouru de touches de couleurs vives peintes à la main – saisis par l’objectif qui en capte mieux les nuances, de véritables tableaux apparaissent. L’intérieur de cet habitacle accueille, disposés au sol autour d’un symbole de divination rituelle, de larges coussins en tissu Yoruba. Un gospel réduit à la note incantatoire d’un son binaural vibre dans l’espace. Le travail de Ja’Tovia Gary, ancré sur l’identité de la femme noire, est par définition politique, et l’artiste bénéficie d’un engouement institutionnel outre-Atlantique. Mais son œuvre trouve ici une expression qui transcende son contexte, en offrant l’expérience d’une rencontre purement sensorielle.
partus/chorus curatée par Ja’Tovia Gary / Frank Elbaz, 66 rue de Turenne, 75003 / jusqu’au
30 juillet 2022
GALERIE CHRISTOPHE GAILLARD / JULIEN DES MONSTIERS
« Bêtaverse est un hommage au réel, un réel dans lequel l’existence de friches est toujours
possible », explique Julien des Monstiers. Le peintre nous avait pourtant habitué à ce que,
dans ses tableaux figuratifs, l’image choisie – qui est une image trouvée – soit un prétexte.
Ici, le thème des cabanes comme mode d’habitat alternatif sert de motif à plusieurs de ses
toiles. Exécuté de façon classique et virtuose, il a été transféré par décalque sur le tableau,
préalablement enduit de plusieurs couches de peinture à l’huile. Les strates de rose, de bleu,
et d’orange se superposent et sont révélées dans de grandes échancrures crées par
arrachage. La sérigraphie, qu’il a pratiquée, le collage, qui le passionne, tout cela est en jeu
dans les tableaux de Julien des Monstiers, dont on tente – en vain – de comprendre comment
ils sont faits, le regard aimanté par leurs accidents et leurs flamboiements. Contentons-nous
de saluer leur beauté.
Julien Des Monstiers- Bêtaverse / galerie Christophe Gaillard, 5 rue Chapon, 75003 /
jusqu’au 30 juillet
MOR CHARPENTIER / DANIEL OTERO TORRES
Première participation à une Biennale – celle de Lyon – première exposition personnelle en
galerie à Paris, plusieurs projets à venir dans des musées étrangers … : depuis qu’on a vu ses
sculptures au Palais de Tokyo, dans le cadre d’« Ubuntu, un rêve lucide » (2021), le travail de
Daniel Otero Torres ne cesse de gagner en visibilité. Ce solo offre un petit panorama de sa
pratique : sculptures métalliques reprenant une photo d’archive et rehaussées de dessins au
crayon, tableaux mêlant des formes en terre cuite avec des tiges de maïs séchées, série de
céramiques, entre tradition vernaculaire et fouilles archéologiques. Un univers se décante,
entre souvenirs d’enfance et motif socio-politique – les références aux cultures du pavot, de
la banane et du maïs renvoient à l’histoire de l’Amérique du Sud – laissant une large place à
l’humain à travers les gestes qui en manifestent la présence.
Daniel Otero Torres – Las Huellas del Viento / galerie Mor Charpentier, 61 rue de Bretagne,
75003 / jusqu’au 6 août 2022
GALERIE ALLEN /BORIS ACHOUR
On n’avait pas vu le travail de Boris Achour depuis la Biennale de Venise en 2015, et en
France, en dehors d’un solo à la galerie Allen, depuis l’exposition que lui avait consacrée le
Credac, en 2012. L’artiste a pris le temps d’élaborer un concept fascinant qui parle autant de
la question de la production de l’œuvre que de la circulation des images. Après avoir
modélisé des éléments de design simple (piètements et plateaux de table), ainsi que des
centaines d’objets créés ou répliqués à partir des collections numérisées des musées, il a
soumis l’ensemble de ces items à un algorithme programmé pour composer des
agencements. Sur le site DAMP, ces « Displays » peuvent faire l’objet d’une acquisition sous
forme de NFT ou d’une sculpture réalisée par l’artiste. Ce principe de configuration aléatoire
à partir d’une base de données ouvre à des combinaisons quasi infinies. Plusieurs
compositions sont exposées à la galerie : uniformément recouvertes de papier mâché peint
en noir, elles pourraient être les reliques d’une société ensevelie sous la lave ou d’un futur
recouvert de suie.
Boris Achour – DAMP / Galerie Allen, 6 Passage Sainte-Avoye 75003 / jusqu’au 23 juillet
2022
MARIANE IBRAHIM / RAPHAËL BARONTINI
Après celui qu’elle lui avait consacré dans son espace de Chicago, Mariane Ibrahim offre
avenue Matignon son deuxième solo en galerie à Raphaël Barontini – le seul de ses artistes à
être basé à Paris. Portraits sérigraphiés sur toile, tapisseries, rideaux, drapeaux et sculptures
textiles, on retrouve le faste étourdissant des couleurs et des matières qu’il avait déployé
dans son exposition Soukhos au studio des Acaccias (2021) à l’issue d’une résidence dans les
ateliers LVMH. Avec cette fois-ci une prédominance du bleu indigo, issu de la plante cultivée
aux Caraïbes et qui en évoque le contexte esclavagiste. Hybridant l’iconographie classique
européenne avec des portraits d’époque, Raphaël Barontini sait créer des images
somptueuses et sous tension dont on pourra peut-être regretter que leur surface soit aussi
lisse. Des incrustations textiles ou de paillettes viennent ici et là donner du relief à certaines
toiles, saupoudrant d’un air de fête ce bal sombre et immobile. Le show est sold out.
Raphaël Barontini – Blue Lewoz / Mariane Ibrahim, 18 avenue Matignon 75008 / jusqu’au 23
juillet 2022
GALERIE ETC / MATHIEU BONARDET
Mathieu Bonardet a intégré au printemps la galerie ETC, dont il devient l’un des rares jeunes
artistes à incarner la ligne éditoriale minimaliste. Bardé de récompenses – lauréat 2011 du
prix des amis des Beaux-Arts – Prix agnès b ; lauréat 2017 du prix Talents Contemporains de
la fondation François Schneider … – il est passé par la performance filmée et photographiée
et conserve un intérêt pour la danse contemporaine. Ses dessins au graphite témoignent
d’une économie de moyens tendant vers l’épure tout en traçant, littéralement, des lignes de
tension. Étape significative dans son travail, Mathieu Bonardet est passé au volume avec la
conception de sculptures, plaques d’aluminium ployées ou rigides qui cherchent à incarner
des flux d’énergie. On ignore quelle est dans ce travail la part d’hommage à Richard Serra ou
à Bernar Venet. À suivre.
Mathieu Bonardet – Isométrie / Galerie ETC, 28 rue Saint-Claude, 75003 / jusqu’au 24
septembre 2022