Interview avec Jérôme Pantalacci, fondateur et directeur d’Art-o-rama
Marie Maertens :
Vous êtes le fondateur et directeur d’Art-o-rama. Pouvez-vous nous décrire comment se présente cette 17e édition ?
Jérôme Pantalacci : Comme nous avions réalisé d’importants changements l’an dernier, notamment en intégrant une section édition et design, nous avons poursuivi dans cette direction qui témoigne cette fois-ci d’une importante présence belge. Nous allons notamment montrer Maniera ou La peau de l’ours, de Bruxelles, et le Centre Wallonie-Bruxelles présentera 12 designers qui produisent en Belgique. Par ailleurs, nous avons renforcé notre dimension internationale avec 80% de marchands étrangers dans la section Galeries qui dévoile de très jeunes enseignes, comme DS Galerie, Hatch ou Spiaggia Libera, ayant ouvert cette année. Je peux aussi citer Ginny on Frederick, de Londres, ou Bibeau Krueger et Someday, de New York. La moitié de nos exposants ont moins de cinq ans d’exitance et, même si nous ne nous focalisons pas que sur les jeunes marchands, notre identité s’affirme bien dans ce sens.
Les premières éditions de la foire témoignaient d’un marché modéré… Que les galeries viennent de plus en plus loin signifie-t-il que les ventes se sont bien développées ?
L’Europe est importante et les galeries ont, en effet, besoin de venir sur ce marché, galvanisé ici par des collectionneurs français, mais aussi italiens ou espagnols, car nous avons un axe assez marqué vers le Sud du continent. Sur nos 40 stands, 6 proviennent du continent américain (également avec Good Weather de Chicago, Grant Wahlquist de Portland, Parc Offsite, Eli Kerr de Montréal et Mascota de Mexico). Souvent, il s’agit de leur première exposition en Europe, montrant que nous sommes de plus en plus identifiés, avec des prix assez abordables de stands qui offrent la possibilité de tenter l’aventure.
Vous présentez 28 solos et 8 duos d’artistes, ce qui est toujours un plus pour les visiteurs. Qu’attendez-vous de découvrir particulièrement ?
Nous n’imposons pas directement cet exercice, mais comme nous demandons une proposition curatée, cela induit souvent que les galeries demandent un projet spécifique à leurs artistes. Nous découvrons ainsi nombre de pièces produites pour l’occasion, également favorisées par la grande liberté de format des stands. Il est toujours difficile de mettre en avant des exposants en tant que directeur, mais j’avoue que je suis curieux de découvrir ceux qui viennent pour la première fois et serai aussi particulièrement ému de voir l’un des derniers projets développés par l’artiste Sylvie Fanchon, avant qu’elle ne décède et qui sera montré par son galeriste Florent Maubert.
Art-o-rama s’est imposée comme la foire qui annonce la rentrée de l’art contemporain et qui était, au départ, majoritairement visitée par les collectionneurs finissant leurs vacances sur la Côte d’Azur. Avez-vous vu le public augmenter et se diversifier ?
Oui, nous observons avec plaisir une évolution du nombre de ceux qui viennent nous voir et qui étaient 7000 l’an dernier. Nous avons également renforcé le nombre de prix que nous décernons, développant une autre forme de visibilité et créant une dynamique d’achat. Ils nous permettent d’élargir notre panel d’amateurs. Deux d’entre eux sont donnés par des collectionneurs italiens (le prix Because Of Many Suns de la Collezione Taurisano et le prix Marval remis par Marco et Valeria Curina) qui renforcent les liens géographiques avec ce pays. D’ailleurs, après les galeries françaises, les exposants italiens sont les plus nombreux et les Espagnols viennent après. Le premier prix que nous avions initié, au nom de Roger Pailhas, offre le remboursement des frais à la galerie qui le remporte, poussant les exposants vers des projets ambitieux ou radicaux.
Vous développez également le salon immatériel et de nombreux talks durant toute la durée d’Art-o-rama. Est-il aujourd’hui indispensable, pour une foire, d’apporter un contenu aussi dense en complément des stands ?
Il nous semble intéressant de donner au public les propositions les plus larges possibles, avec des films d’artistes, des performances… tout ce qui fait partie d’un marché de niche et qui est plus compliqué à voir. Puis, présentant beaucoup de jeunes plasticiens, développer des discussions, menées par Figure Figure, permet aux visiteurs de mieux comprendre et appréhender leur travail. Nous aimons également proposer des temps de réflexion sur certains sujets, comme le cinéma expérimental en partenariat avec YourArt qui, là-encore, accompagnent le public. Notre format nous permet de tester de nouvelles propositions chaque année et d’être dans l’expérimentation.
Pour autant, vous avez aussi des galeries plus installées sur le marché de l’art, telles que Gilles Drouault, In Situ – Fabienne Leclerc, lange + pult, Meessen De Clercq, rejointes cette année par Marlborough…
Oui, nous accueillons leur antenne de Madrid, pour laquelle il est important de tisser des liens avec le sud de la France et présenter un artiste moins connu dans l’hexagone, à l’exemple de Santi Moix, qui fonctionne déjà très bien en Espagne ou aux Etats-Unis. Marlborough va aussi présenter le travail photographique de Pedro Almodovar, donc une partie bien moins identifiée du cinéaste espagnol.
Peut-on dire que vous alimentez de plus en plus ce lien avec le bassin méditerranéen ?
En effet, il est important pour nous de créer des liens avec ces villes et pays qui sont proches de Marseille. Nous avons également la galerie Eins, de Chypre, qui avait inauguré sa présence l’an dernier et revient cette année. Il est intéressant d’aller défricher ces territoires qui ne sont pas toujours les plus visibles dans la géographie de l’art contemporain et regarder ce qui se passe dans ces endroits moins identifiés est un peu à notre image ! L’on peut y prendre davantage de risques, expérimenter… ce qui est totalement dans l’ADN d’Art-o-rama.
Art-o-rama
Friche de la Belle de Mai, Marseille
du 31 août au 03 septembre
art-o-rama.fr