Pour son nouveau projet réalisé au Musée d’Orsay, Laurent Grasso a misé sur l’hypnotisme des nouvelles technologies, avec un film enivrant qui s’incère parfaitement au sein des collections, tout en questionnant la notion d’exploration au XXIème siècle.
Ainsi, on ne découvre pas immédiatement Artificialis, ou plus exactement, on ne l’identifie pas réellement du premier regard. Il faut traverser la nef du musée ou déambuler au premier étage où la musique, conçue par Warren Ellis, n’en aura que plus d’ampleur. Nombre de visiteurs se laissent d’ailleurs bercer par cette randonnée visuelle et auditive, se prélassant devant le grand écran. Durant quatre années – en discussion avec la directrice Laurence des Cars, depuis nommée à la tête du musée du Louvre – différents scénari ont été élaborés avant que Laurent Grasso ne se décide à revenir au film, sa pratique première.
« Je me suis demandé ce que l’on pouvait explorer aujourd’hui et avec quels outils. Qu’aurait fait Charles Darwin et quel aurait été son mode opératoire ? » Mais alors qu’il pensait immortaliser des lieux réels, tels que paysages, forêts, fleurs ou montagnes… le confinement l’a poussé à travailler uniquement avec des datas et à se plonger dans des scénographies virtuelles. Combinant effets spéciaux créés par les scanners Lidar ou des caméras hyperspectrales, les images permettent de se promener totalement dans des espaces imaginaires. « Cela questionne également leur statut, poursuit Laurent Grasso, car celles qui nous semblent naturelles peuvent être des installations modifiées par l’homme, tandis que des phénomènes tangibles apparaissent comme virtuels. Le rapport nature/culture a bien changé et je me rapprocherais davantage ici d’une démarche de scientifique, élaboré uniquement en laboratoire… »
Cette interrogation sur la réalité s’ancre dans les problématiques actuelles sur l’écologie, nouant parfaitement le lien avec la manifestation Les Origines du Monde, l’Invention de la Nature au XIXe siècle, sur la création du concept de nature. Laurent Grasso poursuivra ce projet avec Spectral Orsay, une série de trois films courts, dont le premier opus sera diffusé à partir du 9 juillet sur les réseaux sociaux. Ils permettront de disséquer littéralement l’architecture de l’établissement ou certaines de ses sculptures, à l’exemple de La Danse, de Jean-Baptiste Carpeaux, qui nous mènera au cœur de sa cadence !
Par Marie Maertens
Musée d’Orsay, Laurent Grasso, « Artificialis », 1, rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris, jusqu’au 18 juillet 2021,
www.musee-orsay.fr
Crédits photos
© Laurent Grasso / ADAPG, Paris, 2021 / Photo: Claire Dorn, Courtesy Perrotin