Xie Lei
Mort heureuse
Semiose
44, rue Quincampoix, Paris 4e
Jusqu’au 15 mars 2025

Pourquoi il faut y aller 

Le vernissage de ce solo de Xie Lei, le deuxième à la galerie Semiose, a correspondu avec l’annonce de sa nomination pour le prix Marcel Duchamp 2025. Synchronicité de bon augure. 

Ce qu’on y voit 

Que ce soit à l’Open Space de la Fondation Louis Vuitton (Au-delà, 2023) ou en galerie, cet ancien pensionnaire de la Casa de Velázquez et résident de la Villa Medicis conçoit chacune de ses expositions de peinture comme un projet en soi, dont il pense l’accrochage. Ainsi du petit tableau dans les tons bleutés dont l’ambiguïté capte le regard dès l’entrée (Intimation, 2024), ou du mur laissé vacant dans la salle suivante afin de placer le visiteur face à ses grandes silhouettes indéfinies irradiées de lumière. On entre là comme dans un espace cérémoniel. 

On aime 

L’intensité d’une peinture qui ne se laisse réduire à aucune définition : plus onirique que figurative, puisant dans des référents intimes comme dans l’histoire de l’art (notamment Velázquez, Zurbarán…), et témoignant d’un corps à corps de l’artiste avec son medium. 

Frank Walter
Moon Voyage
David Zwirner
108, rue Vieille du Temple, Paris 3e
Jusqu’au 22 février 2025

Pourquoi il faut y aller 

Frank Walter (1926-2009) doit sa redécouverte posthume (notamment lors de la 57ème Biennale de Venise en 2017), à l’historienne de l’art Barbara Capa. Celle-ci a travaillé à la promotion de son œuvre, aujourd’hui identifié par le marché et exposé dans les institutions publiques aussi bien que dans les fondations privées. 

Ce qu’on y voit 

Moon voyage rassemble des peintures, sur carton et sur bois, des dessins et de nombreux documents d’archives qui éclairent la vie de ce génie polymathe qui vécut sur l’île d’Antigua. Les sujets sont variés : visions cosmiques, portraits, autoportraits, blasons, paysages et compositions abstraites. L’exposition comporte de nombreuses peintures réalisées sur des emballages de film Polaroid, un ensemble de caractéristique de la pratique de l’artiste, dont l’inventivité et le sens de la couleur transcendent les contraintes de ce format miniature. 

On aime 

Découvrir un univers artistique d’une richesse telle qu’elle invite à se plonger dans l’œuvre de son auteur, dont le rayonnement, à la façon d’une étoile disparue, nous parvient encore. 

 

The Guiding Threads
Suzanne Tarasieve
7, rue Pastourelle, Paris 3e
Jusqu’au 8 mars 2025

Pourquoi il faut y aller 

Galeriste iconique Suzanne Tarasiève est disparue il y a deux ans, en décembre 2022. Cette exposition collective convoque son souvenir, et l’esprit de transmission qui l’animait. 

Ce qu’on y voit 

Matérialisé par un réseau de fils roses parcourant l’espace de la galerie et reliant les œuvres les unes aux autres, cet accrochage a pour principe directeur la notion de connexion, en procédant par invitation d’un artiste à un autre. Le résultat, éclectique, donne à lire des affinités et propose des rapprochements inattendus : dans la première salle, un buste en bronze de Maillol (l’invité de Markus Lüpertz), jouxte une gravure de Dana Schutz (l’invitée d’Anna Tuori)  et une peinture de Théo Viardin (l’invité de Lucien Murat), tandis que suspendu au centre à la manière de la dépouille d’un ange, un bustier en mousseline de soie et plumes d’albatros dessiné par Sofia Crociani (l’invitée d’Eva Jospin), rappelle les looks spectaculaires de la galeriste disparue. Les œuvres des artistes invités occupent le rez-de-chaussée, on retrouve ceux de la galerie à l’étage. 

On aime 

La dimension ludique et généreuse d’une exposition qui célèbre un héritage en partageant une vision de l’art bien vivante.

 

Gerard & Kelly
Bardo
Marian Goodman Gallery
79 & 66 rue du Temple, Paris
Jusqu’au 8 mars 2025

Pourquoi il faut y aller 

Reconnu à l’international, le duo Gerard & Kelly est formé depuis plus de deux décennies par Brennan Gerard et Ryan Kelly – qui vivent et travaillent en France depuis 2018. Leur travail fascine par sa façon totalement originale de croiser la danse, les arts visuels et l’architecture. C’est leur première exposition à Paris (après celle dont ils ont bénéficié au Carré d’Art, à Nîmes en 2022-2023). 

Ce qu’on y voit

Le cœur de l’exposition est constitué par la projection du film E for Eileen (2023). Son tournage dans la Villa E-1027 de la célèbre designer et architecte a été initié grâce au soutien du programme Mondes nouveaux, rappelle Bernard Blistène, l’ancien directeur du musée national d’Art moderne au Centre Pompidou, enthousiasmé par l’audace du duo. E for Eileen met en scène dans une sorte de comédie musicale queer stylisée les figures d’Eileen Gray et de deux de ses amants (l’architecte et critique Jean Badovici, ainsi que la chanteuse de music-halls Damia). On regarde le film installé sur une assise en liège reprenant la forme du solarium de la villa à Roquebrune-Cap-Martin. Des sérigraphies avec néons (dans le showroom de l’étage), ainsi qu’une installation sculpturale au sous-sol et une série de light-box complètent cette présentation d’envergure. 

On aime

Le brio avec lequel le duo ose revisiter la modernité au prisme de la fiction pour en ranimer la mémoire vivante. 

NB : Gerard & Kelly ont tourné dans des architectures iconiques en France un cycle de trois films – E For Eileen, mais aussi Bright Hours, à la Cité Radieuse à Marseille, Panorama à la Bourse de Commerce à Paris. Il sera prochainement diffusé sur France 3 et en accès libre sur France.tv.

 

Sylvie Fleury
Sculpture Nails
Thaddaeus Ropac
7 Rue Debelleyme, Paris 3e
Jusqu’au 22 février 2025

Pourquoi il faut y aller 

Depuis son exposition au Magasin, à Grenoble, en 2001, les occasions sont assez rares de voir en France le travail de l’artiste suisse, apparue sur la scène au début des années 1990. Sa façon de puiser son inspiration dans la société de consommation tout en s’appropriant les références de l’histoire de l’art est pourtant très actuelle. 

Ce qu’on y voit 

Au rez-de-chaussée de la galerie, des sculptures à l’esthétique glacée comme les pages d’un magazine de luxe, couvrant une période de trente ans : depuis les emballages de maquillage muséifiés (Coco, 1991) jusqu’au diptyque Vanity Case (2024), Mirror Painting façon Michelangelo Pistoletto qui joue sur l’imagerie érotique associée à la voiture, en passant par les ready made de Gucci Handcuffs (2001-02), les Shopping Bags et les stilettos Alaïa moulés en bronze. Une pince à cheveux en aluminium chromé (Hairclip, 2024) est cachée dans cette présentation, à vous de la trouver avant d’accéder au premier étage, où sont exposés un ensemble de néons aux teintes pastel à la jonction de l’histoire de l’art et des codes de l’industrie cosmétique. 

On aime

La scénographie des sculptures du rez-de-chaussée, comme le déballage d’un coffre-à-jouets géant, où s’exprime un sens de très sûr de l’espace autant qu’un humour jubilatoire. 

 

Gerald Petit
AMAREM
In Situ – Fabienne Leclerc
43 Rue de la Commune de Paris, Romainville
Jusqu’au 1er mars 2025

Pourquoi il faut y aller 

L’exposition que le Frac Normandie a récemment consacré à Gerald Petit, dans laquelle il invitait une vingtaine de ses pairs (Ni île, 2023-2024) a offert de découvrir ses toiles récentes, en regard de son travail photographique, tout en l’inscrivant dans une génération d’artistes ayant atteint ou dépassé le milieu de carrière. Trop discrètement ? Ce premier solo chez In Situ le met sur le devant de la scène.  

Ce qu’on y voit 

Au premier étage de la galerie, des peintures de ciels embrasés, aux nuages lourds de suie et de fumée qui évoquent autant les incendies de 2019 en Amazonie que ceux, en ce début d’année, de Los Angeles. Une peinture au présent, donc, et c’est ce que revendique Gerald Petit dans une pratique qui procède par dizaines de couches successives de couleurs, jaune fluo, rouge de cadmium, vert … dont certaines laissent de longues coulures à la surface du tableau. Cette démarche très technique joue aussi parfois à être conceptuelle : ainsi de ses représentations de pochette Agfa qui dialoguent avec son travail de photographe, sa face B, en quelque sorte. Au mur, des pickups de guitare signalent les inspirations musicales de l’artiste, instillant l’idée d’un morceau rejoué encore et encore, la répétition pour faire mieux, ou différemment. 

On aime 

Tout particulièrement ses peintures sur bois, de petit format, dont les compositions presque abstraites laissent cependant deviner les contours ténus d’un paysage. 

 

Explicite lyrique – Group show
Marcelle Alix
4 rue Jouye-Rouve, Paris 20e
Jusqu’au 1er mars 2025

Pourquoi il faut y aller 

La galerie cofondée par Isabelle Alfonsi et Cécilia Becanovic a 15 ans, et pour marquer cet anniversaire, elle a lancé une invitation à la galeriste Florence Bonnefous (Air de Paris). L’exposition est née de leur conversation, sur l’amour, l’amitié, le plaisir et la souffrance. 

Ce qu’on y voit 

C’est sur l’installation vibrante de silence Microphone Piece de Pauline Boudry & Renate Lorenz que s’ouvre un parcours soigneusement scénographié. Il se clôture au sous-sol, drapé de velours noir, avec une vidéo aux accents lynchiens de Brice Dellsperger. Entre les deux, on croise les Teatrino de Sarah Tritz, les fusains de Monica Majoli évoquant les premières expériences au gode-ceinture, le Gant de boucher de Bruno Pélassy, le gant d’agriculteur de Gyan Panchal agrémenté d’un anneau de castration. Pierre Creton a étalé de la cervelle animale sur une grande feuille à dessin, Anne-Lise Coste tracé à l’aréographe les trois lettres du mot Sex. C’est explicite. 

On aime 

L’esprit subversif, les dessins à l’encre ou au pastel de Dorothy Iannone.