8 expositions à voir dès janvier 2024

 

Gabriel Kuri– Particules Préemptives
Esther Schipper, 16 place Vendôme, 75001 Paris
Jusqu’au 28 janvier 2024

Gabriel Kuri a fait partie – avec Damián Ortega et Abraham Cruz-Villegas – des artistes les plus remarqués de la scène mexicaine des années 2000. Alors que la Fundaciòn Jumex, à Mexico, vient de lui consacrer une importante rétrospective, c’est sa première exposition dans l’espace parisien de la galerie allemandeEsther Schipper. Les œuvres présentées, toutes récentes, se caractérisent par l’emploi d’objets manufacturés ou naturels, le recours à l’assemblage ou au détournement, la rigoureuse minutie de l’exécution, contrastant avec l’idée de bricolage. On pourrait ajouter aussi : l’humour, mais libre à chacun d’apprécier l’ironie conceptuelle, parfois absurde, de ces pièces jouant aussi bien avec la notion d’autoportrait (dans la série associant des rouleaux d’isolant à un coquillage ou à un bac à glaçons) qu’avec les formes impersonnelles du mobilier urbain ou le langage bureaucratique.

 

Vincent Dulom – DU TEMPS À L’AUTRE
La Galerie ETC, 28 rue Saint-Claude, 75003 Paris

Jusqu’au 28 janvier 2024

Qu’il réalise des vidéos (24 secondes par image, 2021) – ou des peintures – plus exactement des jets d’encre sur toile -, l’unique sujet de Vincent Dulom est ce halo de couleur diffractée sur lequel il semble impossible de faire une mise au point. Le caractère flouté de cette image participe de son pouvoir de fascination car on ne sait si on la regarde ou si c’est elle qui nous absorbe, lentement, dans son faisceau. L’œuvre, monomaniaque et sérielle, de Vincent Dulom s’inscrit dans une recherche conceptuelle radicale, qui cherche à fixer l’éblouissement. Il fait partie des nouveaux artistes émergents défendus par la galerie qui, fidèle à sa ligne minimaliste – celle d’une génération née avant-guerre, de Jean Degottex à René Guiffrey – , en poursuit les développements contemporains.

 

Julie Doucet – Art Scrap Craft
Galerie anne barrault, 51 rue des Archives, 75003 Paris

Jusqu’au 20 janvier 2024

On connaît Julie Doucet pour son rôle de pionnière dans la bande-dessinée indépendante, où son ton crû et son point de vue féminin se sont imposés, depuis son Québec natal – notamment avec son premier fanzine Dirty Plotte (1988). Depuis quelque temps, l’autrice (grand Prix d’Angoulême 2022) se livre également à un travail de collages aux allures de miniatures, confectionnés à partir de mots découpés dans des magazines vintage. Elle réalise également des petits films à l’esthétique « fait-main », un peu tremblante, des poèmes visuels drôles et émouvants directement grattés sur la pellicule 36 millimètres. On verra bientôt une sélection de ses planches au Centre Pompidou dans l’exposition que le musée consacre au neuvième art, de fin mai à novembre 2024.

 

Richard Fauguet  Pipeshow
Galerie Art : Concept, 4, passage Sainte-Avoye, 75003 Paris
Jusqu’au 13 janvier 2024

Tandis que les principes de création de Richard Fauguet, depuis plus de trente ans, restent les mêmes – mélanger la grande histoire (de l’art) et la culture populaire, à partir de matériaux triviaux, donner une forme esthétique à une idée –, son inventivité demeure elle aussi intacte. La preuve avec ce « Pipeshow » (en anglais le terme peep show désigne les cabines individuelles de projection dans les sex-shops) assemblant des pipes usagées (hello, Magritte) pour composer de grâcieuses silhouettes de pin-up dont les ombres portées font un peu penser aux autoportraits travestis de Pierre Molinier. L’artiste poursuit également ici sa série de sculptures à base de verre d’opaline, entre hommage aux années 1970 pas forcément pimpantes et clin d’œil au mouvement Memphis. Une façon de refaire le monde en s’amusant.

 

Prosper Legault – La vi(lle) est belle
Ruttkowski 68, 8 rue Charlot, 75003 Paris
Jusqu’au 14 janvier 2024

Prosper Legault saisit la ville la nuit, décroche les enseignes, ramasse ce qui traîne, assemble des signes et des images à la vitesse de la lumière. Son travail de collage peut faire penser aux affiches déchirées de Jaques Villéglé – pour le geste – ou à Robert Rauschenberg pour sa façon de peindre avec des objets. Les paroles de JWLES accompagnent ce solo réjouissant, petite poésie sonore à écouter au casque, rappelant que Prosper Legault est aussi l’auteur de deux recueils de chansons publiés sur le label RED LEBANESE. Cofondateur de l’espace culturel « La Volonté 93 » – aux côtés notamment d’Alexander Raczka et Antwan Horfee -, passé par l’École Boule et par les Beaux-Arts, sculpteur, slameur, poète, Prosper Legault fait feu de tout bois pour rallumer les étoiles.

 

Dominique Gonzalez-Foerster – Nos années 70 (Chambre)
Galerie Chantal Crousel, 10 rue Charlot, 75003 Paris

Jusqu’au 27 janvier 2024

Depuis une trentaine d’années, Dominique Gonzalez-Foerster, artiste reconnue sur la scène internationale, a créé plus de soixante chambres, nous rappelle la galerie Chantal Crousel, qui présente l’une des premières, Nos années 70 (chambre). Murs violets, motifs indiens et couvre-lit rose, cette évocation des seventies fut montrée notamment dans l’exposition « prospective et rétrospective » que le Centre Pompidou consacra à l’artiste en 2015-2016. Les chambres de Dominique Gonzalez-Foerster sont des scènes vides, des ellipses littéraires en dialogue avec l’architecture et l’histoire de l’art. « Comme des images mais dans lesquelles on peut rentrer », expliquait-elle lors d’une interview, reconnaissant dans son travail « l’obsession d’un récit, d’une narration, même spatiale ». Les personnages apparaîtront plus tard, à partir de 2012 et de sa série M.2062. La galerie expose en parallèle un corpus de ses œuvres datant de la décennie 1990.

 

Zhi Wei – A small lie
Balice Hertling, 84 rue des Gravilliers, 75003 Paris
Jusqu’au 28 janvier 2024

Son contexte géographique et politique, son âge, son identité queer, sa proximité avec l’industrie textile constituent des données objectives qui éclairent l’œuvre de Zhi Wei (née en 1997 à Pékin) sans en résoudre la maestria kitsch. La galerie, qui l’expose pour la première fois, présente un ensemble de grands tableaux constitués de couches de tissus et de peinture, dont certains sont déformés par de troublantes protubérances. Les couleurs oscillent entre la fadeur écœurante d’un médicament pour enfant et un sombre dévoilement. Au sous-sol, le ready-made géant d’une boite à mouchoirs jetables aux allures de sépulcre immaculé est posé comme un Ovni scintillant au cœur d’une pyramide. Dans un coin, deux petits ustensiles hygiéniques de milieu carcéral – on les identifie à leurs manches arrondis – se serrent telles des poupées tristes dans un verre à dent. On a envie de connaître la suite.

  

Kévin Blinderman & Adrien Fregosi – SONO ANDATI
Galerie Sultana, 75 rue Beaubourg, 75003 Paris
Jusqu’au 06 janvier 2024


Intitulé « Sono Andati », ce duo show rapproche les œuvres a priori très éloignées des artistes Adrien Fregosi et Kévin Blinderman. La pratique du premier, centrée sur le dessin, est nourrie d’une culture à 360°, de la peinture classique au graffiti en passant par la bande-dessinée indépendante. De ses portraits de chiens, quasiment abstraits, émane une impression de fraîcheur et de dérision mêlées, la vibration d’une présence. Celle-ci résonne mezzo-voce avec le pathos plus grandiloquent, forcément un peu farce et cérébral de Kévin Blinderman, qui fait dialoguer deux enceintes sur l’air de la Bohême de Puccini tout en soumettant le baiser de Klimt à l’inspiration d’une IA et à l’exécution d’un tiers.