A Journey to the Center of the Earth, la tradition du textile revisitée par quatre artistes femmes

Par un dialogue entre la Norvège et la Roumanie, ce projet réunit quatre plasticiennes s’étant familiarisées aux cultures de chacune. En janvier au Bodø Museum et aujourd’hui à la galerie Anca Poterasu, il dévoile une approche commune de la nature et une certaine philosophie de vie, souvent données à voir dans de fortes couleurs.

A l’exemple de celles de Megan Dominescu, dont les sujets commentent la culture Internet, mise en scène par des personnages aux rictus communicatifs et aux messages grinçants, qu’elle tisse traditionnellement à la main. Elle parle ici plus spécifiquement de l’Arctique Norvégien et des spectaculaires Iles Lufoten, qu’elle rend quasi-mystiques. Tout en y introduisant des petits personnages et éléments artificiels, abordant le changement climatique ou la gentrification et pour lesquels elle s’est attelée à une tapisserie en volume. Les deux autres plasticiennes roumaines montrent également que le tissage traditionnel se déploie avec liberté. Ainsi Mihaela Moldovan marie d’anciennes techniques de broderie et dentelle à l’aiguille aux matériaux industriels. Au rouge sanguin dominant, son travail s’attarde sur le monde des souvenirs, soulignant la fragilité de l’enfance à l’époque communiste, dont une corde symbolise la brutalité et la monotonie du régime. Elle tente de trouver un équilibre entre dureté de l’oppression et douceur des souvenirs, rejet et besoin de revisiter le passé. Loredana Ilie explore la fluidité et la transformation constante du corps humain et des éléments environnants. Pour l’exposition, elle s’est inspirée de la mythologie nordique, se référant aux corbeaux qui accompagnent le dieu Odin et volent à travers le monde, afin de recueillir des connaissances pour leur maître. Ou encore à la terrible prophétie de Ragnarök, durant laquelle le loup géant Fenrir se libère de ses chaînes pour accomplir son destin destructeur…

Linn Rebekka Åmo fut spécialement invitée de Norvège et fit une résidence à Maramures, où elle trouva le matériel pour son installation. Ses œuvres intègrent des vêtements, fibres recyclées, plastique ou textiles ménagers et s’inspirent ici des décorations de tissus brodés qui ornent les intérieurs de ce comté situé dans les montagnes, au nord du pays. Elle a d’ailleurs réalisé qu’il s’agissait des mêmes nuances de rouges que ceux employés dans la culture Sami. Visitant le cimetière du village, elle imagina aussi une colométrie attitrée pour chacun des défunts… Pure imagination et ressenti… Comme le décrit Anca Poterasu, fondatrice de la galerie éponyme, ce voyage – dont le titre est extrait de l’ouvrage de Jules Verne – fut un réel cheminement… « Nous n’avons jamais été en Norvège auparavant. Depuis Maramures, nous avons un long chemin à parcourir, parsemé d’images et de sensations, qui se mélangent comme dans un rêve. Je n’ai pas vu autant de neige depuis que j’étais enfant et que je jouais dans le village où je suis née. L’eau, le ciel, les montagnes et la neige donnent au paysage une apparence surnaturelle. Nous nous arrêtons au milieu d’une petite ville portuaire, Bodø, qui a été choisie comme capitale culturelle en 2024. Il fait froid et l’air semble frais et limpide. Nous visitons des villes et des musées et nous voulons comprendre l’histoire… sentir les goûts et les odeurs dans les cuisines des gens qui vivent ici…». 

Marie Maertens

A Journey to the Center of the Earth, Anca Poterasu Gallery, Strada Popa Soare 26, București 023983, Roumanie, du 13 février au 30 mars, www.ancapoterasu.com