Avec Camille Bardin, Cindy Olohou, Samy Lagrange & Grégoire Prangé.
↘ Exposition : Zanele Muholi à la Maison Européenne de la Photographie.
↘ Débat : Faut-il boire pour se faire une place dans le milieu de l’art ?
Extrait du débat :
« Pour beaucoup, le milieu de l’art est un espace de sociabilité mondaine, de soirées et d’escapades à Paris ou ailleurs. Pour certains et certaines, à Venise même, Londres ou Miami, au gré des foires et des biennales.
Cette conception festive de l’art contemporain s’immisce dans nos vies professionnelles et détermine la manière même de considérer nos métiers, et ce, depuis nos études où nous courions les soirées et vernissages.
Sponsorisée ici par Heineken et là par Ruinart, dans l’espoir de nous constituer un réseau entre deux verres de vin et deux packs de bières. En l’absence de bureau, nos réunions se passent au bar. Si bien que depuis longtemps, cette question, de l’intime corrélation entre le monde de l’art et les mondanités arrosées, anime les échanges au sein du collectif. Nous avons donc décidé, aujourd’hui, d’adresser ce sujet. Faut-il boire pour se faire une place dans le milieu de l’art ? Sommes-nous toutes et tous bernés par le mirage des Cool Kids ? »
Camille Bardin
Bonjour à toutes et à tous. On est ravi.es de vous retrouver pour ce nouvel épisode de Pourvu Qu’iels Soient Douxces. Ce soir aux micros de ce studio : quatre membres de Jeunes Critiques d’Art, un collectif d’auteurs et d’autrices libres et indépendant.es ! Depuis 2015 au sein de Jeunes Critiques d’Art nous tâchons de repenser la critique d’art comme un genre littéraire à part entière et pensons l’écriture comme un engagement politique. Pour Projets, on a souhaité penser un format qui nous permettrait de vous livrer un petit bout de notre intimité en partageant avec vous les échanges qu’on a officieusement quand on se retrouve. POURVU QU’IELS SOIENT DOUXCES c’est donc une émission dans laquelle on vous propose un débat autour d’une problématique liée au monde de l’art puis un échange consacré à une exposition Aujourd’hui nous sommes donc quatre membres de JCA à échanger… Bonjour Cindy Olohou.
Cindy Olohou
Bonjour !
Camille Bardin
Samy Lagrange.
Samy Lagrange
Bonsoir Camille !
Camille Bardin
Et Grégoire Prangé (qu’on n’avait pas entendu depuis un moment dans PQSD) !
Grégoire Prangé
Bonsoir !
Camille Bardin
Dans cet épisode on a choisi de parler de l’exposition de lae photographe sud-africain·e Zanele Muholi qui est visible jusqu’au 21 mai prochain à la Maison Européenne de la photographie à Paris mais avant cela on voulait prendre le temps de discuter mondanités dans l’art contemporain. Je vais donc tout de suite me tourner vers toi Grégoire, est-ce que tu veux bien nous introduire cette première thématique ?
Grégoire Prangé
Oui, bien sûr. Lourde tâche pour un retour dans PQSD.
Camille Bardin
Oui sur les chapeaux de roue !
Grégoire Prangé
Pour beaucoup, le milieu de l’art est un espace de sociabilité mondaine, de soirées et d’escapades, à Paris ou ailleurs, pour certains et certaines à Venise même, Londres ou Miami, au grès des foires et des biennales. Cette conception festive de l’art contemporain s’immisce dans nos vies professionnelles et détermine la manière même de considérer nos métiers, et ce depuis nos études, où nous courrions les soirées et vernissages – sponsorisés par Heineken et là par Ruinard – dans l’espoir de nous constituer un réseau, entre deux verres de vin ou deux packs de bière. En l’absence de bureaux nos réunions se passent au bar, si bien que depuis longtemps cette question de l’intime corrélation entre monde de l’art et mondanités arrosées anime les échanges au sein du collectif. Nous avons donc aujourd’hui décidé d’adresser ce sujet : faut-il boire pour se faire une place dans le milieu de l’art ? Sommes-nous toutes et tous berné.es par le mirage des cool kids ? On peut peut-être commencer par vos premières réactions à chaud sur ce sujet ?
Camille Bardin
Samy ?
Samy Lagrange
Oui, je peux commencer parce que je pense que je vais rapidement défricher beaucoup de choses que vous avez envie de dire chacune et chacun. Pour moi, le premier truc auquel ça me fait penser, on n’est peut-être pas tous.tes d’accord, mais un des grands biais qui explique cette esthétique de l’art contemporain beaucoup liée à l’alcool et à la fête, pour moi, c’est son histoire bourgeoise. On ne va pas refaire ici toute l’histoire, mais c’est quand même un milieu qui a été tenu par des personnes issues de milieux privilégiés à travers les deux derniers siècles, que ce soit l’aristocratie, puis la bourgeoisie, et qui ne faisaient pas du travail de l’art contemporain, justement comme un travail, mais plutôt comme un hobby, comme un passe temps, comme un geste esthétique. Et donc on en est un peu les héritiers.ères. En tout cas, ce monde en est encore héritier et le monde de l’art en général est encore soumis à des modalités qui sont très bourgeoises et notamment qui ont beaucoup à voir pour moi avec la nonchalance. C’est un petit peu large, mais pour moi, c’est comme si tout était évident, comme si rien n’était jamais grave, comme si tout pouvait se faire dans une simplicité déconcertante. Et à première vue, c’est assez appétissant. C’est un petit peu la bohème, comme on l’a tous.tes dans nos imaginaires, mais c’est aussi pour moi tout à fait faux. Et c’est parfois dangereux de naviguer dans un monde aussi simpliste comme celui-ci, pour qui n’est pas et ne partage pas les codes et les privilèges bourgeois. Ça a des répercussions sur toute la latitude de nos activités, du fait de se rendre, comme tu le disais, à nos rendez-vous professionnels au bar et à une toute autre échelle, parfois, au fait de ne pas être payé.e pendant six mois et d’avoir beaucoup de mal à réagir. Il y a évidemment des centaines de situations possibles et des milliers d’exemples. On va sûrement pas avoir le temps de parler de tout ça. Pour commencer, et tu l’évoquais, Grégoire, je pense que ce qu’on pense en premier, et je suis le premier à le faire, c’est faire ses rendez-vous au café et au bar et se demander pourquoi on fait ça. Évidemment, sûrement parce qu’on n’a pas de bureau, mais aussi parce que je pense qu’on cultive une atmosphère professionnelle détendue. C’est une volonté de chacun.e. Et pourtant, ça nous pose quand même pas mal de problématiques dès qu’on y réfléchit un petit peu et qu’on fait une rétrospective sur ses propres expériences professionnelles. Déjà, tout bêtement, faire ses rendez-vous au bar, ça coûte cher.
Camille Bardin
Bah oui ! [Rire]
Samy Lagrange
C’est hyper con de faire ça. Je pense que j’ai explosé mon budget bar, que ça soit en café ou en bière, depuis que je bosse dans ce milieu. Évidemment, vous allez en parler, ça cultive l’alcoolisme mondain et quotidien, ce qui est un gros problème de l’art contemporain. Et, je pense que tu vas en parler Cindy, effectivement, pour moi, le plus fou, c’est que ça cultive un flou dans les relations professionnelles qui sont parasitées dès le premier contact par de l’intime. C’est agréable tant que tout va bien, ça accélère les démarches, ça ouvre des possibles beaucoup plus simplement, mais c’est aussi un risque dès que les choses vont un petit peu moins bien. On se permet beaucoup plus de choses, on le sait avec ses « ami.es ». Comment parler d’un retard de paiement avec quelqu’un.e avec qui, hier, tu as bu des bières ou que tu croises régulièrement en soirée ? Comment refuser de travailler avec quelqu’un.e avec qui tu as plus que des relations professionnelles, etc. Je vous laisse partager vos expériences par rapport à ça. Je suis sûr que vous en avez des centaines.
Camille Bardin
Effectivement, tu as bien balayé le sujet. Tu veux poursuivre Cindy ?
Cindy Olohou
C’est vrai que la perche était quand même très belle. Je me permets du coup. Merci Samy. Sur la question du flou des relations et qui est un peu le propre des métiers passions, comme le disait Grégoire juste avant, hors antenne. C’est vraiment un souci parce que que, au-delà même des questions de retard de paiement, il y a un petit grignotage sur ta vie personnelle qui, si t’es pas vigilant.e, peut très vite prendre le pas. Tu peux vite te faire manger parce que tes rendez-vous semi pro, semi perso où tu parles de tes projets et en même temps, on discute des derniers potins de comment tu vas, de comment ça se passe, etc. C’est un temps où tu vas passer ta soirée, mais pas chez toi avec ton mec ou ta copine. C’est un temps où pendant tes vacances, on va t’envoyer un mail ou tu vas le recevoir à 23 heures ou tu vas le recevoir à des horaires pas possibles, où les gens vont aussi attendre de toi une disponibilité parce qu’on attend de ses ami.es une disponibilité et une réactivité qui est complètement hors cadre du 9h-17h du travail, de gens qui ont des emplois un peu plus cadrés, fixes et où il n’y a pas ce mélange des deux. Et où même très très vite, garder l’équilibre vie pro / vie perso, devient vraiment difficile et maintenir des relations saines aussi devient un enjeu très complexe parce que même parfois, quand tu as un souci technique sur un projet, qui peut être un souci vraiment technico pratique, qui n’a rien à voir avec la personne que tu continues d’apprécier personnellement, tout ça… Tu n’es pas à l’abri qu’elle le prenne personnellement et que ça devienne une histoire de dispute. Il y a aussi des questions de réputation, de « si tu te disputes avec quelqu’un.e, qu’est ce que… » Surtout qu’on sait qu’on est dans un milieu beaucoup de réseaux, mais ça fait partie de cette mondanité, de cette sociabilité et où, à partir du moment où tu commences à être en dispute ou un peu en rupture avec certaines personnes pour des raisons plus ou moins graves, mais ça peut vite donner lieu à des potins, à des ragots, à des rumeurs. Et ça a forcément un impact sur la suite de tes projets, sur la suite de ta carrière. Ça va très très vite. Et je trouve qu’ au-delà de cette question d’équilibre vie pro / vie perso, de frontières et de limites, il y a aussi un « tout peut basculer. » Ça rajoute une pression sur les épaules, de toujours présenter la meilleure version de toi, de toujours être obligé.e d’être dans une représentation de toi-même : « Ah non mais j’ai plein de projets, mais tout va bien, on s’entend très bien, c’est merveilleux, mais on s’adore tous.tes » Alors que c’est pas qu’on se déteste, mais il y a des fois où ça va un peu moins bien, il y a des fois où t’as moins de projets, il y a des fois où… Mais tu sais qu’une phrase dite à quelqu’un.e dans cette espèce de flou semi pro / semi perso au détour d’une bière peut être rapportée aux oreilles de d’autres et de d’autres et de d’autres. Et tu peux perdre des projets, tu peux te retrouver blacklisté.e très, très vite.
Camille Bardin
Oui, mais même sans aller jusque-là, c’est vrai que je pense que fondamentalement, le problème des mondanités, c’est que ça nous oblige à construire une espèce de « personal branding ». Surtout en tant qu’indépendant.es, on le retrouve chez les artistes, chez les critiques, mais il y a un bon nombre d’indépendant.es dans notre secteur. Et du coup, t’es obligé.e de faire en sorte que ta personne, ce soit ta marque et qu’on t’appelle, toi, un tel, une telle machin. Et c’est ça, effectivement, qui est terrifiant. C’est que du coup, tu dois toujours être comme – je vais reprendre ton mot un peu en mode @syssimua – « la meilleure version de toi même ». Vraiment, tu dois tout donner. Et ça mène à des trucs où j’ai trop envie de parler d’alcool, j’avoue, dans ce truc-là, parce que justement, ça me fait penser à une anecdote d’une de mes rédactrices en chef, ma première rédactrice en chef qui, lorsque j’étais stagiaire, à mon premier vernissage, elle m’avait dit « T’y vas, mais par contre, attention, il y aura de l’alcool, tu ne bois surtout pas. » Parce que justement, si tu bois les trois quarts de… Je pense qu’elle avait dû le vivre avant. À mon avis, elle avait eu des stagiaires qui s’étaient dit « Pompélope, il y a du champagne gratos, t’es étudiant.E, t’es trop saucé.e » et tu bois. Et en fait, l’ivresse arrive. Donc tu te ridiculises vraiment. Mais je préfère te laisser la main, Grégoire, avant de poursuivre là-dessus. Par curiosité.
Grégoire Prangé
Je n’ai pas demandé la parole mais… Je veux bien parler. [Rire]
Camille Bardin
[Cindy lève la main] Ah pardon vas-y Cindy au contraire !Cindy Olohou
Je voulais juste dire, du coup, il ne faut pas trop boire, mais il ne faut ne pas boire du tout. Il y a un équilibre subtil de…
Grégoire Prangé
Ça dépend où je trouve et avec qui. Il y a des soirées qui sont très encadrées, comme les vernissages, où ça fait bien d’avoir une petite coupe de champagne, mais c’est vrai qu’il vaut mieux pas la boire. Et puis, il y a les soirées… Bah les soirées quoi, vraiment, danse, alcool. Moi, j’ai eu plus de problèmes avec la question de la drogue aussi, de réussir à dire non, de ne pas vouloir. Tout ça, en fait, parce que c’est des endroits aussi où, pour le coup, on peut être conduit.e à lâcher prise, justement, par rapport à tout ça. Moi, il y avait différentes choses que vous avez dites que j’aurais eu envie, justement, de pouvoir discuter. La première, je trouve ça évidemment hyper intéressant, Samy, le fait que tu réenracines ces questions dans le système aristocratique, puis bourgeois du monde de l’art. Et je pense qu’effectivement, ce n’est pas du tout déconnecté des questions qu’on se pose. Je pense qu’il y a aussi quelque chose d’intéressant de se dire que pour la plupart des personnes qui apportent dans notre milieu le capital, l’art n’est pas le métier. L’art, c’est un à côté. C’est une passion peut-être, en tout cas, ça peut être aussi un investissement. C’est toujours quelque chose qui est sur le temps libre, un temps libre qui se passe très souvent en soirée, qui du coup est arrosé puisqu’on est en dehors du travail. C’est un hobby, en fait.
Camille Bardin
Oui, c’est ça.
Samy Lagrange
Tu parles des chef.fes d’entreprise ?
Grégoire Prangé
En fait, je parle des collectionneurs.euses. Si on se dit les choses très clairement, ce sont les personnes qui ont de l’argent et qui achètent de l’art, qui apportent le capital dans ce milieu. En tout cas, c’est comme ça que moi je vois les choses. Et du coup, finalement, l’entièreté du secteur quand même se met au diapason de ce fait que ces personnes-là, à 15h, elles ne sont pas dans un musée. Elles sont en train de travailler pour sans doute générer des fonds qui seront ensuite en partie reversés dans le secteur artistique. C’est pour ça que je trouve que la plupart des événements qu’on vit, ils sont le soir et donc ils sont arrosés. Ça, c’était la première chose. La deuxième chose, et je pense que c’est assez lié, c’est comment est-ce qu’on peut faire pour distinguer cette vie perso et cette vie pro dont tu parlais, Cindy ? D’autant plus que beaucoup de ces relations mondaines se passent en dehors des horaires classiques de travail. La limite est quand même très fine entre pro et perso. En plus de ça, finalement, on se connaît parfois depuis longtemps, on a parfois étudié ensemble. C’est quand même des réseaux d’amitié ou en tout cas de connaissance. Et là, pour le coup, je vais parler un petit peu de moi, mais en fait, cette non distinction, indistinction, entre vie perso et vie pro, moi, je le vivais presque comme une forme de… Enfin, je me disais c’est cool quoi.
Camille Bardin
Bah oui. Mais c’est ça !
Grégoire Prangé
En fait, je suis hyper investi dans mon travail. J’adore ça, c’est un milieu que je kiffe…
Samy Lagrange
C’est une esthétique, c’est pour ça…
Grégoire Prangé
C’est une esthétique, ça me paraissait presque cool. C’est là que ça devient dangereux, justement.
Samy Lagrange
Mais on le fait tous.tes un peu. Pour qu’on soit ok, c’est qu’on le vit tous.tes au quotidien. Avant l’enregistrement, on s’est retrouvé.es avec Camille et Grégoire au bar…
Grégoire Prangé
On a pris un verre.
Samy Lagrange
…pour vendre un verre, pour débriefer.
Grégoire Prangé
Exactement. Et ça, je pense que ce n’est pas non plus totalement déconnecté du fait que c’est un milieu qu’on imagine en tout cas, et sans doute c’est sur un fond de vérité, qu’on imagine très… Je ne dirais pas concurrentiel dans le sens où on est en concurrence, mais plutôt où il faut faire son trou. Ce n’est pas facile, il n’y a pas de la place. Quand on est étudiant et étudiante en théorie de l’art ou dans le monde de l’art, on nous dit quand même beaucoup « Ça va être compliqué, vous n’aurez pas forcément un travail. » Et du coup, on se dit « Il faut tout donner. » Il faut y aller tout le temps. Il faut être là H24. Moi, je me rappelle de Camille qui me disait il y a 4 ou 5 ans…
Camille Bardin
Je loupe rien. Même quand j’ai la flemme, j’y vais.
Grégoire Prangé
C’est ça. Tu disais « Moi, ce qui m’intéresse quand même, c’est qu’à la fin de la journée, je me dis « Personne n’a travaillé plus que moi aujourd’hui. Personne. C’est impossible physiquement parce que j’ai travaillé 15 heures, 16 heures, 17 heures. »
Camille Bardin
Je suis une psychopate. [Rire]
Grégoire Prangé
Et en fait ce qui est triste, c’est que finalement, même si aujourd’hui on remet ça en question, on ne peut pas aussi se dire « Si ça se trouve, si j’avais fait des choses plus conventionnelles, j’aurais pas… » C’est compliqué.
Camille Bardin
C’est au moins de réussir à mettre un cadre… Ça me fait penser… Désolée, j’ai que des anecdotes qui me viennent, mais je trouve qu’elles symbolisent tellement de choses. Je me souviens d’avoir croisé une galeriste, pareil, flou, semi pro, semi perso, on s’aimait beaucoup. Je racontais des anecdotes perso, justement. Un jour, je lui ai dit que je sortais avec quelqu’un qui n’était pas du monde de l’art, en étant un peu presque gênée de lui dire ça, genre « Je suis allée voir des gens ailleurs » et elle m’a applaudie en me disant « bravo, ta vie va devenir plus saine désormais. En plus, en CDI, tu vas avoir un cadre de vie beaucoup plus sain, etc. » Et effectivement, le fait d’être avec cette personne, je file le truc vers l’alcool, m’a permis de me rendre compte qu’effectivement, on n’arrêtait pas. J’avais trop envie de parler de ça parce que je suis un peu dans une phase très intime, mais en discutant un peu autour de moi, je me rends compte qu’on est un peu toutes et tous aussi face à ça, où je me suis rendue compte il y a quelques mois, et ce n’est pas évident, mais que je buvais tout le temps. Que ce truc « d’alcoolisme mondain », comme on dit, on rajoute « mondain » à la fin, mais c’est de l’alcoolisme quand même. Tu parlais de cet esthétisme bourgeois, mais déjà, on l’a, ne serait-ce que nous, dans notre écriture, dans notre métier, c’est-à-dire que j’accompagnais mes textes, l’écriture de mes textes, d’un petit verre de rouge, puis deux, puis trois, etc. Puis le lendemain, j’allais à un rendez-vous, puis je rebuvais. Puis ensuite, j’avais ça et je rebuvais, etc. Et à un moment donné, je me suis dit « Mais en fait Camille, est-ce qu’il y a un jour que tu passes, peut-être le dimanche, allez, soyons fous, sans boire ? » Et ça m’a terrorisée. Et en fait, une fois que t’as compris ça, et je remercie Alice Coffin et « Le génie lesbien » qui parle du outing des personnes alcooliques aussi, pour avoir des représentations de tout ça. Et quand j’ai lu le génie lesbien où il y a tout un passage là-dessus, je me suis dit « Mais attends, mais c’est moi en fait qui essaye de tenter de trouver des stratégies pour boire davantage, etc. » Et le problème, c’est qu’en fait, ce métier et ce secteur, on est dans un espace où on n’a même pas à culpabiliser de boire parce qu’il y aura toujours une personne qui boira plus que nous à côté. [Rire] Donc c’est assez terrifiant. Moi, ce qui me choque aujourd’hui, maintenant que je réduis énormément l’alcool et que j’essaye d’avoir un rapport beaucoup plus sain avec tout ça et que j’ouvre les yeux là-dessus, c’est de me rendre compte que l’alcool est vraiment présent absolument partout et que la question ne se pose même plus, c’est-à-dire qu’on va à un déjeuner pro, etc. Je me souviens d’un moment où j’étais arrivée et la personne a ouvert une bouteille de champagne à 11h00, on était tous.tes à jeun et à sorti le nombre de verres qu’il y avait du nombre de personnes, enfin un verre pour chaque personne et à aucun moment… Enfin, ça aurait été plus choquant que je dise « Ah non, désolée, je bois pas de champagne en fait. » Je trouve que c’est hyper important de le dire aussi parce que ce n’est pas évident aussi de s’en rendre compte parce que ce n’est pas très glorieux, je crois, d’être alcoolique. C’est jamais très agréable, mais en fait, je pense que c’est quand même très important de le signifier, de l’adresser.
Grégoire Prangé
Ça rejoint aussi une forme d’esthétique romantique.
Camille Bardin
C’est ça !
Grégoire Prangé
Il faut être un peu déglingue pour pouvoir créer bien. On va se mettre dans des situations pas possibles.
Samy Lagrange
Le génie créateur.
Grégoire Prangé
Oui, c’est ça, le génie créateur. Donc là, on est à fond dans le XIXème. Tu peux en parler Samy ? [Rire]
Samy Lagrange
Non, je pense que j’en ai marre de parler du XIXᵉ siècle. [Rire] Par contre, j’aimerais rebondir sur un truc qui a été dit il y a hyper longtemps dans la conversation. Effectivement, quand j’entendais Cindy parler, moi, ça me faisait penser de devoir toujours avoir nos deux personnalités, professionnelle et privée et intime en même temps, les confronter toutes les deux, les mettre dans l’arène toutes les deux à chaque relation avec une nouvelle personne. C’est assez compliqué, parce que tu ne sais pas non plus… Toi, tu expliquais que la personne en face, on ne pouvait pas savoir sur laquelle de ses personnalités elle va se baser. Du coup, c’est un flou affreux et en même temps, Camille, après, toi, tu disais ce truc de « personal branding » et effectivement, le « personal branding » dans l’art contemporain, c’est de réunir les deux. C’est ça. Du coup, on en revient aux « cool kids ». Et pour être un « cool kid », tu ne peux pas être que professionnel.le. Parce que là, tu es un.e bon.ne professionnel.le, mais ce n’est pas ce que valorise l’esthétique dans l’art contemporain, c’est qu’il faut être une personne « cool ». Le « cool » peut être défini assez largement. Ça peut être de « gentil.le » à « fun », mais en tout cas, il faut mettre de l’intime dans son professionnel, sinon, tu n’es pas la première personne qu’on va appeler. Ou alors tu seras un peu la cinquième une fois que justement, tu auras dealé avec des gens qui ont l’air fun, mais qui n’arrivent pas à faire le travail. Du coup, tu vas dire « Non, là, il me faudrait quelqu’un de pas fun, mais qui arrive à faire le travail. » Mais c’est quand même assez important de se donner intimement dans ce milieu. Et le prochain sujet que je voulais amener, mais je ne sais pas, c’est difficile de trouver des solutions, mais c’est même relationner de manière beaucoup plus intime avec des gens du milieu. Je trouve que ça pose aussi plein de questions, parce qu’on peut se dire tout simplement que c’est comme relationner avec les gens au bureau. Tu poses des règles.
Camille Bardin
Tu parles de relations romantiques ?
Samy Lagrange
Oui, de relations romantiques ou sexuelles, en tout cas intimes, plus loin que l’amitié ou même une amitié, mais qui serait quelque chose de fort, d’intime, qui va plus loin en tout cas que le professionnel. Et je trouve qu’il y a une particularité, peut-être pas particulièrement à ce milieu-là, mais en tout cas qui diffère d’une simple question de comment relationner avec les gens au bureau. Parce qu’au bureau, tu te mets des limites. Tu sais que si t’es pas capable de… Si ça va foutre le bordel, les gens se disent « Je sors avec personne du bureau ». Là, il y a une première chose, c’est que vu qu’on mêle l’intime et le professionnel constamment, les gens avec qui tu vas relationner en dehors du bureau sont les gens avec qui tu travailles le lendemain. Donc les gens avec qui tu vas boire des coups, les gens avec qui tu vas dans des fêtes, tu retrouves les mêmes personnes avec qui tu vas avoir un rendez-vous le lendemain. Donc, tu ne peux pas vraiment trouver des sphères autres que celles du bureau. Et pour moi, il y a un truc aussi qui m’a perturbé pendant longtemps, c’est que les principes de hiérarchie, à la différence d’une entreprise, sont sans cesse redéfinis dans l’art contemporain. Tout bêtement, un jour, tu seras le critique qui vit des commandes et des opportunités que lui fait un.e artiste. Et le lendemain, tu peux être curateur d’une exposition qui va donner de la visibilité et serait un boost dans la carrière du même artiste. Donc, d’un jour à l’autre, tu peux être en position de domination comme en position de dominé.e. Et du coup, tu ne peux pas vraiment te mettre des règles en mode genre, comme on peut se dire dans une entreprise, « Bah non moi, je ne vais pas relationner avec des gens qui sont hiérarchiquement plus bas que moi dans cette entreprise, parce que ça ne serait pas OK, je suis en relation de pouvoir, donc ça va brouiller les frontières. » Là, tu n’as même pas ça, ça veut dire que tu ne sais pas ce que va impliquer ta relation intime avec une personne dans le professionnel. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.
Camille Bardin
C’est très clair, Samy.
Cindy Olohou
C’est très, très clair.
Camille Bardin
Et c’est très intéressant.
Grégoire Prangé
Je ne suis pas hyper d’accord.
Camille Bardin
Ah bon ?
Grégoire Prangé
Oui, non, je ne suis pas hyper d’accord sur la fin, mais peut-être que vous voulez parler ?
Camille Bardin
Vas-y Cindy.
Cindy Olohou
Moi, j’aurais voulu rebondir sur plusieurs choses qu’a dites Sammy. La première, c’est encore cette question de « personnal branding » et de mêler… C’est qu’on ne se rend pas compte que ça demande une énergie.
Camille Bardin
Han ! Mais la charge mentale, les gars !
Cindy Olohou
Parce que du coup, il y a aussi… Je vais en parler aussi un peu personnellement, mais il y a l’agence Wasanii Ya Leo, et au sein de l’agence, il y a Cindy, présidente de l’agence Wasanii Ya Leo. Et là, vraiment, je suis dans un cadre professionnel. C’est une agence, c’est une SAS, c’est la Cindy pro. Donc je dissocie complètement de moi personnellement, pour le coup. Et je vois que quand je suis la Cindy Jeunes Critiques d’Art, artiste auteur ou qui est en réunion avec des artistes, qui est dans ce flou plus d’indépendante, puisque j’ai les deux casquettes, l’énergie que ça me demande, mais aussi la pression que ça met sur tes épaules, parce que du coup, c’est pas le personnage professionnel de toi qu’on a tous.tes quand on va au bureau, on a tous.tes travaillé un jour. On a un costume professionnel, un costume où on arrive, tout va bien, on est poli.e, tout se passe bien, on arrive à prendre sur soi. Je trouve que dans cette espèce de flou d’indépendance, il y a aussi vraiment un poids de… La plupart du temps, ça se passe très bien et c’est merveilleux, mais parfois, quand ça ne se passe pas bien, tu le prends vachement personnellement.
Camille Bardin
Mais c’est ça.
Camille Bardin
Bah t’es pas cool, Cindy. T’as pas été cool. [Rire]
Cindy Olohou
Oui, mais c’est vraiment le problème. C’est moi le problème. Ce n’est pas forcément le travail, ce n’est pas forcément la gestion. C’est vraiment moi le problème. Et c’est très, très dur de réussir à te dissocier, de réussir à te dire « OK, respire. Peut-être que là, ça ne s’est pas bien passé, mais ça va aller. » Et de ne pas te remettre en cause toi, personnellement, dans ton existence, dans tout ce que tu es, pour un souci, de trouver le bon équilibre. C’est très, très dur. Et aussi, je trouve que sur cette question de construire des relations durables que tu abordais, il y a aussi le revers où évidemment, je suis parfaitement d’accord avec ce que disait Grégoire. D’un côté, c’est génial parce qu’on a plein d’ami.es, on peut faire des expos ensemble. On a quand même un travail où on a une qualité d’échange relationnelle qui est quand même 90 % du temps géniale. Mais il y a aussi parfois ce petit doute où avant de créer du vrai lien et comment tu fais la part des choses en ce qui est de la mondanité, de la sociabilité, où tout le monde est sympa, tout le monde se tutoie, tout le monde te fait la bise et où quelqu’un.e avec qui tu vas vraiment créer un lien et en qui tu peux vraiment avoir confiance, hors de ce milieu art contemporain. Ça aussi, c’est difficile de faire la part des choses, de donner assez de toi tout en le préservant. C’est vraiment des équilibres où on est toujours sur un fil tendu, j’ai l’impression, de gestion des relations.
Samy Lagrange
Carrément.
Camille Bardin
Je te rejoins complètement sur le fait de ne pas prendre les choses personnellement. Parce qu’effectivement, de devoir montrer une partie de soi, de son intimité, de la personne que tu es véritablement ou en tout cas que tu laisses percevoir, etc., derrière, quand tu as un refus professionnel, tu le prends, mais doublement. C’est vraiment d’autant plus compliqué de l’accepter. Parce que est ce que la personne te dit « non », parce qu’elle n’a pas d’argent pour travailler avec toi, parce qu’elle a d’autres projets, parce que qu’importe, ou est ce qu’elle ne veut pas travailler avec toi parce qu’en fait, elle ne trouve pas que tu es une meuf cool ou qu’elle a envie d’associer son nom ou sa marque à ton nom. Et ça, je trouve qu’effectivement, c’est hyper… C’est une charge émotionnelle hyper importante. Oui Grégoire ?
Grégoire Prangé
Je suis assez en phase avec ce que tu disais Cindy sur l’indistinction entre ton agence et le milieu… on va dire indépendant. Moi, c’est un peu la même chose au musée, par exemple. Quand je suis dans le cadre du musée, tout est très clair. D’ailleurs, tout ce dont on parle aujourd’hui n’a pas cours. Ce n’est pas la question du tout. Les choses sont très claires à ce niveau-là. Bien sûr, il y a quand même des zones de flou, mais c’est des zones de flou aussi qu’on cultive et qui peuvent être parfois intéressantes parce que finalement, on partage aussi quand même des combats communs, on partage des points d’intérêt ou des passions communes.
Grégoire Prangé
Et des zones de flou qu’on maîtrise.
Grégoire Prangé
Oui, mais qu’on maîtrise mieux.
Cindy Olohou
Oui, parce que ton revenu ne dépend pas, le projet ne dépend pas de cette zone. Tu l’as choisi, la sociabilité.
Grégoire Prangé
Tout à fait. Mais je pense que c’est aussi des questions de… Peut-être qu’il y a aussi quelque chose de l’ordre de la génération à ce niveau-là. Parce que dans le milieu muséal, moi, je suis beaucoup en lien avec des gens qui ne sont pas de ma génération. Je trouve que les choses sont parfois plus simples parce qu’il y a un cadre professionnel que tout le monde connaît, assume, alors que la grande différence, c’est que… En tout cas, quand je suis dans le milieu, dans ma génération, c’est « il faut être cool parce que finalement, on va grandir ensemble. C’est un peu l’effet scène artistique. Il faut être dedans, il faut être « in ».
Camille Bardin
C’est vraiment ça.
Grégoire Prangé
Il ne faut pas être le vilain petit canard, quoi, mis un peu en dehors du banc.
Samy Lagrange
Que la personne qui va « céper » se souvienne de toi dans dix ans. [Rire]
Camille Bardin
Celui qui tenait le mieux. [Rire]
Camille Bardin
Et je trouve que c’est assez lié, notamment aux relations, t’en parlait à Samy, des questions relationnelles, même amoureuses ou très intimes. Il y a quand même toujours un petit peu cette petite voix de « Mais qu’est-ce qui peut se passer ? Qu’est-ce qui va se raconter ? Si ça se finit mal ? » Il y a pas vraiment de… Il n’y a pas de limite entre…
Camille Bardin
Il faut que tu conclues, Grégoire.
Grégoire Prangé
Ah non.
Camille Bardin
Qui conclut ?
Grégoire Prangé
Je ne vais pas conclure. Est-ce qu’on va boire une bière pour conclure ? [Rire]
Camille Bardin
Parfait. [Rire] Avant d’aller boire des bières, on va passer au deuxième sujet, à l’exposition de Zanele Muholi à la MEP. Cindy, je te laisse introduire ce deuxième sujet. Vaste responsabilité aussi. Vas-y, tu vas y arriver !
Cindy Olohou
Après la Tate Moderne de Londres en 2020, la Maison Européenne de la Photographie présente jusqu’au 21 mai la première rétrospective consacrée à l’artiste et activiste Zanele Muholi en France. Composée de plus de 200 photos, vidéos et documents d’archives, l’exposition retrace le travail de Zanele Muholi depuis le début des années 2000 et pose le cadre dès l’entrée mentionnant le fait qu’iel se définit comme non binaire et que par conséquent tous les textes sont en écriture inclusive par respect pour l’artiste. Le travail photographique de Zanele Muholi est indissociable de son militantisme pour rendre visible le courage, la dignité, la singularité et la diversité des personnes queer et racisées en Afrique du Sud. Né.e en 1972 à Durban en Afrique du Sud, Zanele Muholi documente la vie de la communauté noire LGBTQIA+ dans le pays. Artiste international.e, iel a étudié au Market Photo Workshop de Johannesburg et à l’université Ryerson de Toronto. Se définissant comme « activiste visuel.le », iel a co-fondé le FEW (Forum for the Empowerment of Women) ainsi que INKANYISO, plateforme de média queer et visuels. L’appareil photo est pour ellui un outil de lutte face aux injustices et aux discriminations dont sont victimes les membres de la communauté LGBTQIA+ sud-africaine. Dans la série Faces and Phases, iel les photographie à différentes étapes de leurs vies. Ce travail d’archive, mené de manière collaborative, invite les personnes photographiées à êtres des « participant.es » actif.ves, pour questionner les stéréotypes et les représentations dominantes, mais aussi la figure de l’artiste. Zanele Muholi est également connu pour ses nombreux autoportraits notamment ceux de la série Somnyama Ngonyama (“Salut à toi, lionne noire” en zoulou) interrogeant l’image de la femme noire dans l’histoire. Ces autoportraits où iel renforce volontairement la noirceur de sa peau sont pour ellui une manière de reconquérir son identité noire continuellement perçue sous le prisme d’un autre regard privilégié et dominant. Cette exposition intime, engagée et engageante se conclut sur un espace de médiation recontextualisant l’histoire coloniale de l’Afrique du Sud, pays paradoxale où malgré une constitution qui acte pour la première fois au monde en 1996 que la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle est interdite, voit les personnes racisées appartenant à la communauté LGBTQIA+ être victime de violence et de préjugés.
Camille Bardin
Très bien, qui commence à donner son avis sur cette exposition ?
Samy Lagrange
Vous voulez que j’y aille ?
Camille Bardin
Samy ? Allez, tu auras introduit toutes les choses, tous les sujets.
Samy Lagrange
Déjà, tu as fait une super introduction Cindy, c’était très complet et totalement immergé. Je vais commencer par un truc très bateau parce qu’évidemment, j’ai adoré l’exposition. Je ne sais pas exactement vous dire pourquoi. J’ai essayé de l’expliquer au moins deux fois, je pense, à Camille ces dernières semaines et à chaque fois, je me suis heurté à un manque de vocabulaire en disant « Non mais tu comprends, c’est juste trop bien. C’est un ressentiment hyper primaire. C’est de la belle photo. »
Camille Bardin
Je crois qu’on a la même intro Samy.
Samy Lagrange
Et en fait, je pense que j’aime tellement la photo que d’habitude, je me contente d’assez peu et que cette fois, j’ai eu l’impression d’être vraiment devant une master class de photo. Je vais dire vraiment des grandes banalités, mais c’est vraiment, on ressent à la fois qu’il y a une maîtrise technique du langage photographique qui se met totalement au service de la profondeur et de la justesse du discours. C’est hyper travaillé et pourtant, ça semble quasiment évident comme photographie. C’est hyper émouvant, évidemment, surtout hyper émouvant de voir une pensée traduite si intimement par l’artiste, mais qui arrive pourtant à te toucher en tant que spectateur.ice directement. Ce que je trouve peut-être le plus intéressant quand j’ai essayé de me creuser la tête, c’est qu’évidemment, le discours de l’artiste est intime, subjectif, concerné et donc probablement fait par nécessité, par urgence, par engagement politique et personnel. Mais il reste aussi absolument maîtrisé, selon moi. Sans parler particulièrement de queerité noire, un sujet qui n’est pas le mien. Mais en tout cas, dans les discours queers en général, on navigue selon moi constamment entre, d’un côté, la documentation de la répression et de la dureté de la lutte et, d’un autre côté, la célébration des identités et des nouveaux mondes possibles. Et ce n’est pas une étape qui précède une autre. C’est toujours deux faces d’un même sujet qui coexistent en permanence. Mais effectivement, suivant la position de l’observateur.ice, du.e la spectateur.ice, ça peut être violent de recevoir un discours uniquement victimaire lorsqu’on essaie soi-même d’être dans la célébration d’un après ou au contraire de se confronter à une vision absolument joyeuse quand on est soi-même profondément endeuillé.e ou révolté.e. Et ici, selon moi toujours, Zenele Muholi réussit à faire cohabiter la lutte et la joie. Iel montre des figures fortes de tous les combats vécus. Et tout simplement, j’ai trouvé que ça faisait du bien. Ça a réconcilié vraiment les deux parts en moi qui avaient besoin qu’on lui dise que c’est possible de célébrer les deux à la fois. Et du coup, c’était top. Et évidemment, j’ai trouvé l’exposition vachement bien maîtrisée également, mais je vous laisserais peut-être en parler plus longuement.
Camille Bardin
Du coup, on a la même intro, vraiment, Samy. C’est vraiment une exposition que j’ai adorée. [Rire] J’ai été cueillie dès la deuxième photographie qui m’a fait monter les larmes immédiatement. Photographie dans laquelle se déploie « une histoire d’amour » entre l’artiste et Valérie Thomas, l’un.e de ses collaborateurices – comme Muholi aime appeler ses modèles. Non vraiment c’est une exposition que j’ai adoré ! A tel point que je trouve l’exercice de ce jour assez compliqué notamment parce que c’est le genre d’exposition sur laquelle j’ai presque du mal à poser des mots et un regard analytique parce que j’avoue que j’ai juste envie de faire des envolées lyriques qu’il est même plutôt conseillé de proscrire en général quand on est critique d’art : j’ai envie de dire que c’est une exposition qui est belle, qui est bouleversante, qui est forte. Voilà des banalités. Mais au-delà de ça. Je crois que ce que je peux dire aussi c’est que, comme je le disais dans le dernier épisode de PQSD, il me semble qu’il faut que nous restions vigilant.es quant à la manière dont les musées se saisissent des problématiques intersectionnelles aujourd’hui. Notamment parce que je crois que les institutions sont de potentielles usines pacificatrices. Aussi, on sait la violence que cela peut représenter d’exposer des corps qui plus est noir.es et queer dans une institution parisienne. Et je me demandais quelle parade iels allaient trouver pour inverser le rapport de force potentiel. Qu’on n’ait pas simplement des corps, exposés sur papier glacés et basta. Et je crois que c’est ça la force de cette exposition : c’est que, ce que l’on voit, ce ne sont presque jamais des corps qui sont exposés mais ce sont des corps qui se montrent. Et ça change absolument tout. Puisque Zanele Muholi, veut, queeriser l’espace afin d’y accéder. Queeriser, je crois qu’iel dit « queerer » en fait, ça m’a fait bizarre en disant « queeriser » à voix haute. Du coup, iel veut queerer l’espace afin d’y accéder. Iel dit, je cite : « Nous présentons notre transition au monde afin de nous assurer que les corps trans noir fassent également partie de l’espace public. Nous le devons à nous-même. » C’est ça qui m’a bouleversée je pense : C’est la tendresse du regard de Muholi, l’amour qu’iel porte à sa communauté. Et cette phrase : « nous le devons à nous- même » Cela m’a beaucoup fait penser à ce que m’avait dit l’artiste Valentin Noujaïm dans un épisode de PRÉSENT.E qui lui était consacré… il m’avait dit que pour lui « La révolution était une forme d’amour. Parce que c’était une manière de s’aimer soi-même et d’aimer les autres et de trouver la force de dire ensemble : « on mérite mieux ». Je crois qu’en ce moment, c’est exactement ce dont j’ai besoin : trouver une manière pour qu’on puisse dire ensemble, on mérite mieux. Et c’est terrible parce que tout ces mots sont complètement galvauder aujourd’hui, et je nous en veux qu’on les ait employer à tout va parce qu’ici ils auraient sans doute eu toute leur place parce que cette exposition c’est un vrai espace de repos, sans doute aussi de soin et d’empouvoirement. Grégoire ?
Grégoire Prangé
Oui, c’est un petit peu ce qu’on s’est dit avant de commencer l’épisode, c’est qu’on va certainement finir ce sujet en l’espace de cinq minutes, puisque je crois qu’on est toutes et tous d’accord. Moi, je dois dire que j’avais surtout déjà, ce qui est assez rare et ce qui est plutôt soit bon signe, soit très mauvais signe, j’avais une très, très, très forte attente de cette exposition. En fait, depuis peut-être quatre ou cinq ans, j’attendais qu’elle arrive à Paris et ça fait partie des expositions qui me semblent vraiment importantes. Je ne sais pas si c’est le cas pour vous, mais c’est vrai que c’est assez rare qu’on attende autant d’une exposition. J’ai trouvé l’exposition, du coup, non pas qu’elle soit à la hauteur de mes attentes, mais je l’ai trouvée bouleversante. Je l’ai faite comme un enfant, en passant d’une salle à l’autre, en découvrant plein de choses. C’est un travail que j’avais un petit peu regardé quand même. J’ai fait des grandes découvertes, notamment, je ne savais pas du tout qu’il y avait un travail pictural.
Camille Bardin
Oui, qui date du confinement.
Grégoire Prangé
Oui, ce qui était vraiment hyper intéressant de le voir en regard, justement, des portraits photographiques. J’ai trouvé que l’exposition nous faisait vraiment circuler entre une forme de vrais sentiments de force et de révolte et d’engagement et en même temps, je rejoins Samy, il y a une vraie joie, quelque chose de très puissant qui traverse complètement le corps. Et même si ce sont des combats qui ne sont pas forcément les miens, c’est des combats que… J’ai été complètement bouleversé et complètement pris par l’exposition. Et je trouvais justement le parcours aussi assez maîtrisé dans le sens où il y avait des salles qui étaient complètement différentes avec des… Bon peut-être qu’on parlera aussi de l’accrochage un peu après, mais notamment les salles de portraits qui étaient très différentes. On commence vraiment par…
Camille Bardin
Faces and Phases.
Grégoire Prangé
Exactement. Moi, ça m’a vraiment fait un très, très gros choc, cette salle. J’ai mis plein de mots sur ma feuille : fort, touchant, profondément exaltant, une forme de célébration, enfin bref, que des… Toujours pareil, c’est que des mots. Mais en même temps, je trouve ça intéressant qu’il y ait une forme de consensus. Ça veut quand même dire…
Camille Bardin
Une unanimité. Ça veut quoi ?
Grégoire Prangé
Bah ça veut dire qu’on est conquis.es. [Rire]
Camille Bardin
Cindy ?
Cindy Olohou
Moi je vais rebondir un peu. Tout a été dit sur cette expo. Il faut aller voir si vous ne l’avez pas vu. Vous avez, jusqu’au 21 mai, on refait la pub pour la MEP ! Il y a deux choses que je retiens sur ce que tu disais de toi, Camille, sur l’institution. Quand même, la MEP a fait un effort qu’on voit de plus en plus en galerie, mais pas en institution. Dès le départ, de bien préciser « écriture inclusive », « iel se revendique comme non binaire, donc on emploie iel, ellui, etc. » Ce qui est en lien aussi avec les séries présentées, d’avoir cette démarche pédagogique et aussi pas juste l’imposer au public. J’ai trouvé ça vachement bien d’inclure le.a visiteur.ice, dans cette réflexion, de bien le présenter comme un choix de l’artiste et que du coup, l’institution respecte ce choix de l’artiste. Et comme c’est une exposition qui parle aussi de visibilité, de respect, de tolérance, ça fait exactement sens. Mais c’est vrai que dans une institution, c’est rare qu’il y ait cette démarche, déjà d’écriture inclusive, mais en plus de l’expliciter au public qui vient pour qu’il comprenne la démarche, le pourquoi et de pas juste… parce qu’on sait que c’est un sujet qui fait débat, se heurt à ça directement. Et aussi à la fin, d’avoir cette salle qui recontextualise l’histoire de l’Afrique du Sud, de comment on est partis de cette constitution en 1996 pour arriver à des crimes de haine qui ont encore lieu aujourd’hui, qu’il y a des documentaires, qu’il y ait aussi un espace de lecture sur le féminisme, l’afro féminisme, les luttes queers à travers l’art, que tout ce travail aussi de recontextualisation de l’œuvre de Zanele Muholi, c’était aussi une vraie démarche institutionnelle de se mettre au service du discours artistique et pas uniquement de le chosesifier, présentifier, regarder et que ça participe aussi beaucoup à ce que l’exposition soit touchante et qu’on ne soit pas juste dans du voyeurisme. Et le deuxième point que je voulais soulever, c’est que ça participe également à sortir le.a visiteur.ice de sa zone de confort et qu’elle est engagée et engageante. C’est ce que je voulais dire dans ma petite intro. Mais sur le fait que du coup, on est aussi invité.e soi-même à se questionner sur le regard qu’on porte sur les photos, qu’il y a aussi tout un jeu de regard qu’iel, Zanele Muholi, met dans ses œuvres où des fois, iel regarde frontalement le.a spectateur.ice, des fois, iel détourne le regard ailleurs. Il y a vraiment tout un jeu sur les yeux, leur positionnement, qui regarde qui ? et comment ? Tout ça qui fait qu’on n’est pas indifférent.e. C’est pas même une expo qu’on visite en disant « Ah c’est joli, on a vu des… » Il y a un engagement personnel. On est un peu confronté.e à la réalité des choses et obligé.e intérieurement de se positionner plus ou moins, mais on ne peut pas rester neutre parce qu’on est pris à partie dès le début et on a un espace qui invite à aller plus loin à la fin.
Camille Bardin
Vas-y, Grégoire.
Grégoire Prangé
Oui, dans ce que c’est juste pour…C’est quelque chose aussi qui est… Je suis entièrement d’accord avec ce que tu dis, Cindy. Il y a quelque chose qui était aussi très fort, c’est justement, il y avait une vraie, très belle démarche pédagogique de médiation qui était hyper bien maîtrisée parce que, justement, et c’est sans doute assez dur puisque beaucoup de monde se plante, très maîtrisée parce qu’à aucun moment on essentialise quelques sujets que ce soit. Et de réussir à être hyper pédagogique et à venir emporter le public sur des questionnements qu’il faut avoir à l’intérieur sans jamais essentialiser les sujets qui sont décrits, je dois dire qu’avec un langage en plus hyper accessible, très clair, qui passe pas par quatre chemins, en même temps un langage qui est engagé. Je trouvais ça vraiment hyper bien, hyper bien fait.
Camille Bardin
Samy ?
Samy Lagrange
C’est juste pour réagir à ce que vous avez dit tous.tes les deux, Cindy et Grégoire. Effectivement, il y a plein de trucs hyper bien dans cette exposition. Vous l’avez dit, elle est hyper pédagogique, mais en même temps, elle ne fait pas de refus d’obstacles, elle efface pas. Tu as dit « se mettre au service. » J’ai hésité quand j’écrivais mes notes de savoir si elle s’efface ou si elle se met au service de l’artiste. Je ne sais pas, c’est un peu quelque part entre les deux. Mais en tous cas, elle ne simplifie pas vraiment la pensée de l’artiste, qui est complexe aujourd’hui parce qu’on n’a pas toutes et tous les billes pour comprendre vraiment ces… pour comprendre ces enjeux qui sont complexes puisqu’ils n’ont pas été interrogés assez densément jusqu’ici. Effectivement, des exemples, tu l’as dit, il y a l’utilisation de ce mot « queerer » sur lequel on a tilté, mais qui n’est pas expliqué. C’est aussi à toi d’aller faire la démarche, de dire « Ce mot existe, veut dire quelque chose et du coup, maintenant, je dois le comprendre. » J’ai noté aussi « blackness », terme qu’il est encore difficile de traduire. Juste ça, de dire « Je vais le dire. On ne le traduit pas, je ne vais pas trouver un synonyme, je ne vais pas dire approximativement pour ne prendre pour des enfants ce que c’est. Je vais admettre que c’est encore quelque chose en cours de traduction dans notre pensée, notamment occidentale. » Dernier petit point que j’ai trouvé bien pour la médiation de l’exposition, la plupart des cartels, c’est des longues citations de l’artiste. Il y a très peu de médiation extérieure, il y a souvent une longue citation qui se suffit à elle-même. Du coup, encore, c’est top. Quelqu’un.e a quelque chose de pas bien à dire ?
Camille Bardin
Grégoire ?
Grégoire Prangé
S’il faut vraiment trouver un truc… Ce qui est terrible, c’est que ce que je vais dire comme point « négatif »…
Camille Bardin
Il a un petit sourire en coin, sachez-le !
Grégoire Prangé
C’est un point que je trouvais très positif en visitant l’exposition.
Camille Bardin
Oui, mais encore.
Grégoire Prangé
Au-delà de toute l’importance de l’exposition, de ce travail qui est absolument bouleversant et qu’il faut pouvoir montrer, et toute l’attente qui allait derrière, les œuvres sont absolument incroyables. C’est vraiment des œuvres absolument magnifiques, extraordinaires. J’ai trouvé que l’accrochage était très bien fait quand j’ai visité l’exposition et maintenant qu’il faut trouver un truc à dire, c’est un bâtiment qui est très classique la MEP. L’accrochage est lui aussi très classique.
Samy Lagrange
Toujours le même accrochage.
Grégoire Prangé
Allez ! C’est peut-être le seul truc. Et en même temps, au moment de la visite, j’ai trouvé ça très bien. Donc c’est un faux point négatif. [Rire]
Samy Lagrange
Et il y a des cocottes en papier pour aider à la médiation. Vous n’avez pas pris les cocottes en papier ?
Camille Bardin
Non, je n’ai pas pris de cocotte en papier !
Samy Lagrange
À l’entrée, il y a des cocottes en papier que tu fais toi-même et du coup, tu te fais les cocottes en papier et à chaque fois, tu tombes sur une question que tu dois te poser devant la photo pour essayer de voir ce qu’elle te dit et l’interroger. Et j’ai trouvé ça trop mims, parce que les cocottes en papier, c’est trop mims.
Camille Bardin
C’est trop bien ! Je voulais aussi absolument dire un mot sur la salle Faces and Phases. On dit bien ça comme ça ? Vous me reprenez sur mon accent si besoin. Donc dans cette fameuse salle se déploie la série de portraits éponymes. Donc ce sont des dizaines de portraits, en noir et blanc que l’artiste réalise depuis 2006. On y voit des personnes de la communauté LGBTQIA+ d’Afrique du Sud (vous l’aurez compris), prises en plan américain. Et toustes fixent l’objectif. Donc, je reviens sur ce que tu disais tout à l’heure Cindy sur les regards. Et tout à l’heure, quand je parlais de potentielles parades pour inverser le rapport de force, pour qu’il n’y ait pas simplement d’une part les regardant·es et d’autre part les regardé·es : ben je trouve qu’au delà du loving gaze de Zanele Muholi – donc de son regard tendre et aimant… Ce qui donne à cette exposition toute sa force c’est notamment cette salle qui provoque un vrai choc visuel et émotionnel qui accompagne très bien cette phrase de l’artiste : Iel dit qu’iel “S’interroge sur ce que cela signifie pour une personne noire de regarder en retour” Et dans cette salle je dois dire qu’on était regardé.e de toutes part et que les exposées devenaient une grande armée de regardant.es. Mais je vois Cindy bondir sur sa chaise. Donc Cindy, vas-y sur Face and Phases.
Cindy Olohou
Déjà, ce qu’il faut savoir, c’est que c’est une série qui comporte plus de 500 clichés.
Camille Bardin
C’est ça. Et là, on en a une cinquantaine, je pense.
Cindy Olohou
Oui une cinquantaine. Et ils ont laissé les espaces vides des clichés à venir.
Camille Bardin
Oui, j’arrive là-dessus aussi. [Rire]
Cindy Olohou
Et il y a toute cette démarche en plus de suivre des personnes qu’on photographie à différentes étapes de leur vie. Il y a aussi tout ce travail d’archives qu’on n’a pas forcément mentionné, où toute l’exposition est quand même conçue comme une archive de la communauté queer et LGBTQIA+ d’Afrique du Sud. Et c’est aussi, je trouve, cette réinscription dans l’espace concret, physique et dans l’histoire. Et ça marche vraiment. Il y a vraiment une démarche de documentation, d’archives en fait, d’une constitution d’archives pour ne pas disparaître et ne pas être invisibilisé.e, que je trouve absolument fascinante. Et en plus, dans cette série, elles ont toutes le même protocole. C’est toujours le même protocole pour tous les portraits. Et je trouve que c’est génial d’avoir cette dimension d’archives, mais qui ne soit pas un one shot d’une fois où j’ai pris une photo de quelqu’un.e et de suivre aussi les différentes étapes d’évolution des vies et de ne pas être dans l’essentialisation. En effet, il y a tout un tas de manières de vivre son orientation sexuelle, son identité, etc. vraiment de l’exprimer différemment. C’est un travail qui est encore en cours. Ça laisse…
Camille Bardin
C’est ça, c’est pas ancré dans le marbre. D’où le « face » et les « phases ». C’est vraiment là-dessus aussi que je voulais finir. Je voulais vraiment préciser qu’effectivement, dans cette salle, il n’y a pas que des portraits, il y a aussi des portraits « en devenir. » Zanele Muholi a laissé çà et là des trous, comme tu le disais Cindy, pour signifier qu’à certains endroits doit apparaître le portrait d’une personne qu’elle n’a pas encore photographiée, si bien que si l’on pourrait craindre que rentrer dans un musée pourrait endormir la vitalité d’un mouvement, Zanele Muholi nous montre que ces corps, ces identités ne sont pas qu’une passade, mais que se déploie devant nous une histoire en cours, une histoire qui n’a pas fini de s’écrire et qu’iel n’a pas fini d’accompagner. Donc ouais c’était vraiment une salle bouleversante. Ça vous va ?
Samy Lagrange
Je pense qu’on peut conclure là-dessus.
Cindy Olohou
Magnifique.
Camille Bardin
Merci à vous toutes et tous de nous avoir écouté.es. On vous dit… On vous dit [blurp]
Samy Lagrange
On vous dit rien. [Rire]
Camille Bardin
On va vous vomir dans les oreilles, avoir la fin du truc, c’est parfait. [Rire] On vous dit à dans un mois, le dernier jeudi de chaque mois. On s’est fixé.e ça, on le respecte. On vous embrasse. Merci beaucoup.
Samy Lagrange
Au revoir bonne soirée.
Grégoire Prangé
Merci !
Cindy Olohou
Ciao !