ANTI ORDINARY

 

De retour dans les entrepôts bruxellois Tour & Taxis du 28 avril au 1er mai 2022, la nouvelle édition d’Art Brussels accueille plus de 150 galeries issues de 26 pays. Point de rencontre d’une création contemporaine internationale, la foire se révèle porteuse de voix artistiques qui s’inspirent de la réalité pour faire éclore des œuvres qui repensent l’ordinaire : The Steidz en présente une sélection, orientée vers une contrefaçon du réel et du concret.

 

 

Alors que l’art contemporain se définit notamment comme un affranchissement de la représentation fidèle du réel, bon nombre d’artistes s’investissent dans cette direction, en déployant une pratique qui offre des réalités jusqu’alors non perceptibles. C’est ce que Joëlle Dubois (1990, Belgique) met en peinture en développant une iconographie fondée sur l’égocentrisme des utilisateurs des médias sociaux : ponctuées de miroirs, de smartphones et d’ustensiles en tous genres, ses acryliques rendent compte du lien addictif entre l’être et l’objet par une imagerie acidulée.

 

Parallèlement, établir de nouvelles vérités mène foncièrement à la question du « faux » – ce qui est contraire à l’authentique. Cela irrigue le travail de certains plasticiens, à l’image de Tony Matelli (1971, États-Unis) et de sa série Arrangement qui inverse littéralement la notion de familier en créant des bouquets de fleurs factices, présentés à l’envers. Une contrefaçon qui remet en question la nature même de l’objet, permise par une supercherie visuelle quasi indétectable à l’œil nu.

 

La négation de l’ordinaire passe aussi par l’attribution de nouvelles qualités plastiques : Valentin Carron (1977, Suisse) fait évoluer le banal vers d’autres sémantiques, en transposant une toile d’araignée habituellement éphémère en sorte de miroir précieux. De la même manière, Eileen Cohen Sussholz (Afrique du Sud) met sous vitrine une accumulation d’accessoires et d’objets de salle de bains qu’elle conçoit dans une même céramique émaillée, scellée sous vitrine, à la manière d’un monochrome. William Kentridge (1955, Afrique du Sud) aussi, use du même effet unicolore pour réinterpréter le concept de bibelot dans une grammaire liée à la répétition. Son installation LEXICON rassemble des bronzes de figures familières – ciseaux, téléphone, haltère, tampon… – et de tailles voisines, renforçant ainsi la mise en exergue d’un matérialisme universel.

 

Cette démarche qui expose une culture de la consommation impliquant les « choses » du quotidien dans des sensibilités et des usages personnels prépondérants, est en définitive une preuve supplémentaire que la plasticité de certaines pièces est un facteur de renversement du réel. La contradiction des matières qui imprègne les sculptures de Charbel-joseph H. Boutros (1981, Liban) et de Nick Doyle (1983, États-Unis) rendent impossibles les représentations fidèles de l’« objet ordinaire modèle » en regard de son image produite : tour à tour, ils présentent un tee-shirt en marbre et un briquet en textiles, élevés dès lors au rang de témoins « anti-ordinaires ».

 

Joëlle Dubois, Within Arm’s Reach, 2022, acrylic on wood, 30 x 30 cm, courtesy Keteleer Gallery

Tony Matelli, Arrangement (14), 2022, painted bronze, stainless steel, galvanized steel, enamel, 50.8 x 45.7 x 45.7 cm, courtesy Maruani Mercier

Valentin Carron, Toile, 2021, 100 x 100 x 6 cm, limited edition of 10, courtesy NOIRE Gallery

Eileen Cohen Sussholz, Ritual Intent, 2022, glazed ceramic, 98 x 36 x 44 cm, courtesy Pedrami

William Kentridge, LEXICON, 2017, set of 44 small bronzes, 136.5 x 180 x 270 cm, edition of 8, courtesy Lia Rumma

Charbel-joseph H. Boutros, Divine, 2019-2020, engraved marble slab, curator’s T-shirt (Philippe Van Cauteren), hopes, labor, courtesy Galeria Jaqueline Martins

Nick Doyle, Flameout, 2022, collaged denim on shaped panel, 108 x 74.9 x 3.2 cm, courtesy STEMS Gallery