AT HOME

La trente-neuvième édition d’Art Brussels se tient cette année jusqu’au 23 avril. Réunissant plus de XX galeries internationales dans deux halls de Brussels Expo, la foire accueille plusieurs artistes dont les œuvres insistent sur l’aspect domestique et que The Steidz a sélectionnés.

 

Stand manifeste de cette thématique, le solo show de Hans Op De Beeck — exposé dans le cadre de la dernière Biennale de Lyon et présenté par la Galerie Ron Mandos (Amsterdam) — immerge le visiteur dans un salon monochrome reconstitué. Un sofa, sur lequel trône une assiette délaissée, se tient face à un tableau : ici, l’expérience du silence, du vide, de l’abandon mène à l’introspection.
Cet environnement familier, relevant de l’intime, résonne avec l’installation de Double V Gallery (Marseille / Paris) qui dédie deux grands murs à l’artiste Alice Guittard. Sa pratique spécialisée dans la marqueterie de marbres s’additionne ici à un dessin sur fond noir esquissant le contexte d’un espace domestique. Ses sculptures murales figurent, tour à tour, des bibelots du quotidien parmi lesquels cendrier, vase et vaisselle écrivent un récit fictif autour de l’individu et de son rapport aux objets personnels.

 

Ce leitmotiv du « chez soi » est également repris par Louisa Gagliardi, exposée sur le stand de la galerie Rodolphe Janssen (Bruxelles). Sa « peinture » Three of a Kind (2023) insiste sur une scène intérieure où deux personnages statiques s’inscrivent dans un décor ponctué d’un lit, de fruits et d’une fenêtre. La réinterprétation de la nature morte, des perspectives et de la présence humaine remet en question la notion de foyer en la transposant dans une voie troublée, instable, contrairement à son rôle habituel qui rassure et conforte une zone de repos. Un détour hors des codes d’usage qui s’affirme jusque dans la technique de Gagliardi qui utilise notamment du vernis à ongles en guise de peinture.
On retrouve cette “perturbation domestique” dans la série Untitled Lettuce Sconce (2021) de Chloe Wise montrée par la galerie Blouin Division (Montréal) qui met en forme des appliques murales en associant luminaire et moulages de feuilles de laitues en uréthane pour réviser cet accessoire décoratif commun.
Dans la même veine, Guillaume Leblon présente, sur le stand de la galerie Nathalie Obadia (Paris / Bruxelles), une sorte de porte-manteau soutenant une veste réalisée dans les mêmes couleurs caméléonesques. Cette confusion entre le meuble et l’objet de sa fonction laisse imaginer un intérieur fantastique, aboli des contraintes du réel et, par conséquent, sans limites.

Louisa Gagliardi, Three of a Kind, 2023

Chloe Wise, Untitled Lettuce Sconce, 2021

 

Guillaume Leblon, Portrait Nu, 2022

 

En parallèle, la galerie Almine Rech (Paris / Bruxelles / Londres / New York / Shanghai) expose les peintures d’Amanda Wall dont la toile Riverbed (2023). Celle-ci offre une vue en plongée sur un lit à la couverture froissée, dont les plis évoquent les vagues d’un fleuve ; seule une paire de pieds manifeste le corps humain qui semble noyé sous le poids et le relief des draps. La chambre devient alors une source inquiétante, d’angoisse, à l’image de ce que révèle aussi Lise Stoufflet dans sa peinture Dernière tentative d’évasion (2023) sur le stand de la galerie Pact (Paris) : on y observe une table nappée sur laquelle est renversé un vase, libérant des roses aux tiges épineuses et tentaculaires.

L’ensemble de ces images empruntées au champ lexical du domestique offrent la possibilité d’imaginer comment la perception du foyer peut naviguer entre différents degrés, de l’affectif à la stupeur.

Amanda Wall, Riverbed, 2023

 

Lise Stoufflet, Dernière tentative d’évasion, 2023