Salon d’été – Interview croisée Marie Madec / Robbie Fitzpatrick

Le 22 et 23 juillet 2023, Salon d’Été réunira 18 galeries, 4 project spaces et un éditeur à la Maison Louis Carré (Yvelines). Cette première édition a vocation à devenir un rendez-vous annuel. Parmi les trois fondateurs, Anne-Cécile Sanchez rencontre les galeristes Robbie Fitzpatrick (Fitzpatrick) et Marie Madec (Sans titre).

Anne-Cécile Sanchez : Quel a été le point de départ de Salon d’Été ?

Robbie Fitzpatrick : Depuis longtemps, je réfléchissais à un projet d’exposition dans cet espace de la maison Louis Carré, que j’ai visité à plusieurs reprises. Plus je me rendais dans cet endroit, et plus je réalisais combien ce marchand d’art y était lui-même présent. Il y a dans les placards des objets et des vêtements lui ayant appartenu ainsi qu’à sa femme, il y a des photos de leur couple … Son bureau a été conservé en l’état avec sa bibliothèque. Peu à peu j’ai imaginé que l’exposition pourrait s’inspirer de cette présence, comme une sorte d’hommage qui lui serait rendu, et que ce serait encore plus intéressant d’inviter des confrères et des consœurs venu.e.s de Paris à y participer.

À l’origine de ce projet vous êtes trois, The Performance Agency, et deux galeries, la vôtre, ainsi que celle de Marie Madec (Sans Titre), à laquelle vous vous êtes associé …

R.F : Il m’a paru évident que Marie était la bonne personne avec laquelle initier ce Salon. J’ai beaucoup de respect pour son travail de galeriste. Nous étions amis avant que j’ouvre un espace à Paris, en partie grâce à elle, car son énergie m’a convaincu de le faire. Je suis sensible au fait que son aventure de galeriste ait commencé comme un projet itinérant, avec des expositions organisées dans différents lieux, avant qu’elle décide de s’installer. C’est un état d’esprit qui me semble correspondre à ce Salon, de la même façon qu’elle a pris part à de nombreux projets communautaires. Marie fait également partie du Comité des galeries, c’est important. Enfin, elle appartient à une génération plus jeune que la mienne, elle est capable de créer des passerelles avec d’autres publics.

 


Malgré un calendrier des foires déjà très chargé, vous avez le sentiment qu’il y a un créneau à investir pendant l’été ?

Marie Madec : Salon d’Été n’a pas le positionnement d’une foire. Louis Carré, la figure à l’origine de ce projet, était un visionnaire : il avait compris qu’il fallait que les galeries collaborent, qu’elles établissent des règles de déontologie. C’est dans cette perspective qu’il a fondé le Comité professionnel des galeries d’art. Aujourd’hui nous voulons placer ces valeurs de partage et de collaboration au cœur de notre activité, parce que les galeries doivent mettre leurs ressources en commun, construire ensemble des écosystèmes afin de pouvoir survivre dans un monde extrêmement concurrentiel. Je crois à la nécessité de générer des conversations, des solidarités, de « faire génération ».

Si Salon d’été n’est pas une foire, il s’agit cependant d’un événement commercial ?  

R.F. : C’est un événement commercial au sens où il réunit des galeries qui sont par définition des entreprises marchandes. Mais il s’agit d’un modèle singulier. Ce n’est pas une foire en effet. C’est une vision collective portée par un ensemble de galeries.

Quelle est votre ambition pour ce projet ?

R.F. : Salon d’Été est porté par l’énergie et l’effervescence parisienne du moment. C’est une date propice à une atmosphère légère, l’idée étant d’avoir plaisir à se retrouver et à être ensemble. La plupart d’entre nous se voit rarement et souvent dans le contexte stressant des foires.  Ce cadre idyllique de la maison Louis Carré, avec son architecture, son jardin, nous offre de nous voir dans des conditions optimales. Tout en mutualisant nos contacts. À Paris, chaque galerie a sa propre identité (c’est ce qui fait de Paris une ville si particulière).  Et même si, bien sûr, nos publics se recoupent en partie, chacun a son propre réseau, sa bulle. Le but de ce projet est de nous permettre de partager nos ressources et nos idées.

L’été est traditionnellement une période plutôt calme pour les galeries … Est-ce le bon moment pour créer un nouvel événement ?

M.M. : Pendant la deuxième quinzaine de juillet, la plupart des galeries sont en effet désertées. Nous sommes aussi partis de ce constat : à partir du week-end du 14 juillet, voire du week-end précédent, la fréquentation de nos galeries faiblit considérablement. C’est donc d’autant plus important de créer une impulsion, de donner envie au public de venir nous voir. Depuis quelques années Paris attire de nombreuses énergies, on le voit notamment avec l’installation de galeries internationales et de fondations comme la Bourse du Commerce. Cette dynamique participe au rayonnement d’une scène que nous voulons mettre en valeur, en renforçant les liens qui existent déjà en son sein.

Comment s’est opérée la sélection des galeries ?

R.F. : Nous avons souhaité que Salon d’Été mette en avant la scène émergente, c’est-à-dire de jeunes galeries, avec un spectre allant de celles qui ont une quinzaine d’années d’existence à des enseignes installées depuis quelques mois à peine. Quatre project spaces font également partie de cette sélection, car ils sont essentiels à l’écosystème de l’art.

Certaines galeries parmi les plus récentes sont donc encore peu connues ?  

M.M : Oui certaines ont à peine quelques semaines d’existence, comme Spiaggia Libera et DS Gallery ont-elles aussi ouvert cette année, et bien sûr elles n’ont jamais fait de foire. Nous n’avons pas encore construit de relations sur la durée, mais nous leur avons proposé de participer car la qualité de leur programme nous a paru irréprochable.

C’est une sélection qui s’est opérée par affinités ?

R.F. : Oui, bien que nous ayons essayé de composer un panel assez exhaustif. Cette première édition réunit quand même 24 participants, dont quatre project spaces, une maison d’édition d’objets d’artistes, We Do Not Work Alone, et une librairie d’art, After 8 Books, qui va orienter sa sélection autour des artistes exposés. Les visiteurs pourront donc découvrir les œuvres mais aussi se documenter sur le travail des artistes et repartir avec une édition.

 

 

Quelle sera la scénographie de Salon d’Été ?

M.M. : C’est une exposition in situ, toutes les œuvres sont intégrées à l’architecture de cette maison dessinée par Alvar Aalto ; certaines ont même été produites spécifiquement. N’oublions pas que cette habitation a été conçue pour un galeriste, avec des cimaises, de larges murs blancs. Louis Carré y recevait les clients de sa galerie, ses amis, son public, ses collectionneurs. Ce lieu se prête parfaitement à un accrochage.


À quel public s’adresse ce Salon d’Été ?

M.M : À un public venu de Paris, mais pas seulement. La ville de Bazoches (Yvelines) a une forte sensibilité culturelle et le département des Yvelines relaie auprès du public local la communication du Salon. Celui-ci offre aussi de redécouvrir un patrimoine moderniste. Il s’adresse ainsi aux amateurs d’art mais aussi aux amateurs de design et d’architecture.

Pouvez-vous en dire un peu plus sur ce que l’on pourra découvrir sur place ?

R.F : Chaque galerie montrera un ou plusieurs de ses artistes, comme Crèvecœur qui présentera une grande sculpture de Renaud Jerez, le project space Schmorevaz avec un corpus de Kevin Desbouis dans la pool house… Il y aura également des œuvres de plus petits formats, mais aussi des interventions dans le jardin pensé par The Performance Agency, avec un programme de conversations. On pourra même boire et se restaurer sur place.


Cette première édition sera-t-elle suivie par d’autres ?

R.F. : Oui l’intention est bien de faire un rendez-vous annuel de ce Salon d’Été, en conservant sinon le lieu, du moins la saisonnalité.