Du 8 au 15 novembre dernier, Vienne célébrait les 20 ans de sa semaine de l’art. Une initiative pionnière qui réunit chaque année 30 000 visiteur·ses et a depuis essaimé dans de nombreuses capitales européennes.
« Ces deux jours ont été intenses et les visiteur·ses ont été plus nombreux·ses que prévu ! Je suis particulièrement reconnaissante que des jeunes femmes soient venues seules ou en petits groupes. » Se réjouissait Nana Mendl dans un post publié sur Instagram au lendemain du week-end d’ouverture de la Vienna Art Week. L’artiste qui inaugurait une exposition personnelle à la galerie Kandlhofer le mois dernier participait aux open studio qui ponctuent cette 20e semaine de l’art dans la capitale autrichienne. Dans son atelier du 15e arrondissement de Vienne, les visiteur·ses pouvaient découvrir quelques uns de ses grands patchwork de textiles sur lesquels se déploient les selfies que l’artiste prend avec son enfant. Avec elle, ce sont cinquante artistes selectionné·es par un jury de professionnel·les de l’art qui participaient aux Opens Studio Days District Tours et ouvraient les portes de leur atelier aux publics.
Un évènement inédit
Lancée en 2005, la Vienna Art Week met depuis chaque année en bringue tout l’écosystème de l’art contemporain de la ville. Avant tout connue pour son folklore – sa musique classique, Gustav Klimt et son impératrice Sissi – mais encore peu valorisée pour son art contemporain, la Vienna Art Week est l’occasion pour les autrichien·nes de présenter la diversité de leur scène. Avec les ateliers d’artistes, ce sont donc quarante institutions partenaires et espaces indépendants qui ouvrent leurs portes et proposent des programmes inédits. Parmi elles, la Kunsthalle Wien, le mumok ou encore la Secession accueillent notamment des visites en langue des signes, des tables rondes et des performances.
La particularité de l’évènement est qu’il ne se restreint pas au marché de l’art. Un peu moins d’un tiers du budget de celui-ci vient d’ailleurs de la ville et du Ministère de la Culture. Treize galeries prennent néanmoins part à l’évènement, comme l’une des plus anciennes d’entre elles, la Galerie nächst St. Stephan fondée dans les années 1950 par le prête Monseigneur Otto Mauer qui officiait à la Cathédrale St. Stephan et qui présente actuellement un solo show de l’artiste sud-coréen Jongsuk Yoon. Mais Robert Punkenhofer, directeur artistique de l’évènement, aime rappeler que l’idée est avant tout de mettre l’accent sur les artistes et la diversité de leurs productions.
Un format qui s’exporte
Depuis, la Vienna Art Week a essaimé. De nombreuses capitales européennes ont elles aussi leur semaine ou leur week-end de l’art comme c’est le cas de Berlin, Londres, Barcelone mais aussi Stockholm ou Amsterdam. Toustes leur représentant·es avaient fait le déplacement en Autriche pour célébrer cet anniversaire et se rencontrer. « Cela fait plus d’un an que nous travaillons ensemble et cela commence vraiment à porter ses fruits. C’est très important d’établir des liens entre nous pour notre visibilité à l’internationale mais aussi pour nos recherches de financement, de sponsors, pour faire circuler des collectionneur·ses, des représentant·es d’institutions, des critiques d’art ou des journalistes. » constate Andrea Rodriguez Novoa, co-directrice du Barcelona Gallery Week-end.
Depuis quelques mois, ces échanges se sont officialisées. Les différentes Art Week ou Gallery week-end se structurent désormais autour du réseau The Spider dont l’objectif est « de promouvoir l’Europe comme destination pour l’art, la créativité et l’éducation. » Un travail qui profite à chacune des villes partenaires selon Joanna Sundström, fondatrice et directrice de la Stockholm Art Week « La collaboration avec les scènes artistiques européennes enrichit nos connaissances et met en valeur Stockholm comme une destination artistique mondiale. »
Vers une Paris Art Week ?
Depuis dix ans, Paris a elle aussi son Week-end des galeries. Fondé en 2014 par Marion Papillon, présidente du Comité Professionnel des galeries d’art, l’évènement rassemble une centaine d’espaces de Paris, Pantin et Romainville. Mais si plusieurs tentatives de se fédérer avec les autres villes européennes ont été amorcées, elles étaient trop lourdes à porter pour l’association parisienne. Aussi, l’existence du Paris Gallery Week-end ne répond pas aux même besoins que ceux des autres capitales : « Paris est par nature attractif. Les internationaux s’y déplacent déjà régulièrement. Notre objectif est donc avant tout de faire venir différents publics dans les espaces des galeries, qu’ils soient collectionneurs, professionnels, amateurs ou curieux. » explique Marion Papillon.
Pour le directeur artistique de l’évènement viennois, Paris qui jouit déjà d’une grande attractivité et d’une semaine de l’art très dense au moment d’Art Basel Paris, n’a pas besoin d’un tel évènement. Selon Marion Papillon : « Les galeries avaient surtout besoin de se fédérer. Il fallait qu’on se détache de l’image individualiste et qu’on montre que nous collaborons et sommes dans une dynamique commune. » Plutôt qu’une semaine de l’art, l’association a donc imaginé le Starting Sunday. Le dimanche qui précède la semaine d’Art Basel, un programme de performances artistiques ainsi que des rencontres sont proposées par les quelques 130 galeries parisiennes exceptionnellement ouvertes. Une manière de profiter du mastodonte suisse qu’est MCH sans subir la concurrence que motive sa foire.
Camille Bardin — Novembre 2024