Jose Dávila, Half Empty, Half Full – Almine Rech Paris, Turenne – jusqu’au 19 avril 2025
Pourquoi y aller ?
La longue liste des collections publiques et privées internationales possédant des peintures ou des sculptures de José Dávila impressionne. Après une exposition personnelle au Japon (Museum of Modern Art Gunma), et alors qu’une de ses installations est à l’affiche de Desert X (Californie), c’est son premier solo en galerie à Paris.
Ce qu’on y voit
Un ensemble de peintures, variations sur le cercle citant explicitement les œuvres d’Hilma af Klint et de Sonia Delaunay, alternant avec des sculptures mêlant matériaux de chantier et matières naturelles dans un jeu supposé avec la gravité. Ici des carcasses de l’iconique fauteuil Copacabana sont suspendues à la façon d’un mobile Calder, là une sangle tient entre eux des panneaux de verre, une plaque de béton et une pierre volcanique, des sacs de ciment sont posés sur des poutrelles oranges, mais… aucune tension n’est perceptible, aucun corps à corps avec la matière, aucun tâtonnement préalable, aucune force à l’œuvre. Les pièces sont lisses comme des images. Et comme elles, reproductibles.
On aime modérément
L’artiste revendiquant volontiers ses emprunts. On ne sera donc pas étonné d’avoir une impression de déjà-vu en découvrant son travail, qui ne manque pas d’intelligence, mais peut-être d’authenticité.
Wei Libo – Homemade – galerie Sans titre – jusqu’au 19 avril
Pourquoi y aller ?
Repéré dès sa présentation de diplôme aux Beaux-Arts l’été dernier, le travail de Wei Libo exerce une séduction immédiate. Après le solo qu’elle lui a dédié à Artorama (Marseille), la galerie sans titre le mettra en avant en juin à Art Basel (section Statement), tandis que le Frac Île-de-France lui a ouvert sa Project Room début 2025.
Ce qu’on y voit
Fruits en trompe-l’œil, céramiques et bois poli, pièces assemblant du mobilier de récupération avec des briques… on retrouve ici les matières et les gestes artisanaux qu’affectionne l’artiste. Surdoué, Wei Libo n’hésite pas à transposer un motif issu de l’univers du manga en marqueterie de bois, à citer Brancusi en façonnant un grain de riz géant en laiton ou à sculpter patiemment des noyaux de pêche, présentés dans des coffrets précieux comme des reliques de son enfance chinoise.
On aime
Très aboutie dans ses finitions, l’œuvre de Wei Libo plaît par son aspect ornemental. Décorative ? C’est une de ses qualités, et l’écueil que ce virtuose devra sans doute éviter.
Life is what happens when you’re busy making other plans. Esthétique des contingences #2 – galerie Jocelyn Wolff, Romainville – jusqu’au 15 mai
Pourquoi y aller ?
Commissaire de l’exposition, Sébastien Pluot est l’un des historiens de l’art les plus brillants de sa génération. Life is what happens (…) résulte de sa résidence à la Villa Kujoyama (Kyoto), où a été présenté le premier volet. La galerie Jocelyn Wolff accueille le second, magistral.
Ce qu’on y voit
Dès l’entrée, le manuscrit inédit du discours de Marcel Duchamp en 1952 à la New York Chess Association côtoie des spécimens de champignons du musée d’histoire naturelle sous vitrines et une phrase de David Horvitz calligraphiée à l’encre de seiche. La liste des œuvres est longue, d’une sculpture de William Anastasi à une œuvre textile de Franz Erhard Walther (en passant par Mark Geffriaud, Katinka Bock, Yann Sérandour, Alison Knowles…) Leur présence est au service d’une relecture de l’art conceptuel (Mel Bochner, Daniel Buren, Louise Lawler …) au prisme de la tradition vernaculaire japonaise. Time capsule (de Robert Ryman, Sol LeWitt …) et céramique, citations Fluxus et kintsugi, l’accrochage est au cordeau et la scénographie muséale ménage même un coin « pavillon de thé ».
On aime beaucoup
L’érudition folle de l’ensemble, prétexte à dérouler un milliard d’histoires dans lesquelles le hasard et la contingence tissent entre les œuvres un réseau de correspondances à l’infini.
Nanténé Traoré -« to be absent does not mean to be dead » – Galerie Sultana – jusqu’au 19 avril
Pourquoi y aller ?
Finaliste du Prix Découverte de la Fondation Louis Roederer aux Rencontres d’Arles l’été dernier, Nanténé Traoré réalise ici son premier solo en galerie.
Ce qu’on y voit
Des paysages, des visages, des corps… saisis dans leur beauté assumée de clichés, mais soumis via l’altération de la pellicule argentique, au passage du temps, au risque de leur effacement, ou de leur contrefaçon. Comme si la photographie reproduisait le processus imparfait de la mémoire, cherchant à faire surgir des images, incapable de les restituer, telles quelles.
On aime
Remarqué pour ses instantanés intimistes, Nanténé Traoré s’attache moins ici au sujet qu’au grain et à la matière de ses photographies érigées en objets d’art. Imprimées sur du velours et tendues sur châssis, certaines d’entre elles s’offrent au toucher autant qu’au regard.
Ana Jotta – beaucoup, peu, rien – Galerie Marian Goodman – jusqu’au 10 mai
Pourquoi y aller ?
L’œuvre d’Ana Jotta couvre un demi-siècle de création. Ces dix dernières années, du Crédac
(Ivry-sur-Seine, 2016) au Wiels (Bruxelles, 2024-25) en passant par le Wattis Institute (San Francisco, 2023) ; son œuvre a été exposée dans le monde entier.
Ce qu’on y voit
Ana Jotta est de ces artistes qui abolissent en les brouillant les frontières entre l’art et la vie. Elle a créé autour du dessin, central dans sa pratique de peintre, un vocabulaire personnel, agrégeant les images et les mots, échappant à toute forme de classification. Ici, à l’initiative du programme Ampersand (conduit par l’éditrice Alice Dusapin et l’artiste Martin Laborde), on devine qu’elle s’est amusée à composer un décor. L’espace, vide en son centre et dont elle n’occupe que les murs, place le visiteur au cœur de sa vie intérieure.
On aime beaucoup
L’impression de pénétrer ici comme dans une parenthèse rêveuse et théâtrale de liberté.
Antonio López – Trotter – Balice Hertling – jusqu’au 25 avril
Pourquoi y aller ?
Connue pour son travail de prospection, la galerie Balice Hertling a fait découvrir des artistes comme Pol Taburet ou Xinyi Cheng. Elle offre son premier solo parisien au peintre Antonio López.
Ce qu’on y voit
Né en Équateur, Antonio López peint souvent pour retranscrire ses visions oniriques, se heurtant ainsi à d’épineux problèmes de transposition : la peinture à l’huile n’est pas la matière des rêves. Quant au spectateur, il est libre de voir dans ses toiles ce qu’il veut, ou peut. Certains de ses tableaux procèdent par juxtaposition de couches, strates d’images cotonneuses qui s’estompent et s’effilochent tels des nuages en se recouvrant. D’autres découpent des silhouettes comme des ombres, les cartographient à la manière de territoires libres de toute interprétation.
On aime beaucoup
L’exercice ténu et stimulant auquel invite cette peinture mouvante qui ne veut pas représenter mais modifier plutôt notre état de conscience.
Jochen Gerner – Monsieur Linéa – Anne Barrault – jusqu’au 26 avril
Pourquoi y aller ?
Dessinateur de presse – notamment pour le New Yorker et le Journal Le 1 – auteur de nombreux ouvrages explorant les liens entre le texte et l’image, Jochen Gerner est régulièrement exposé dans les centres d’art et les musées, ainsi qu’à la galerie Anne Barrault.
Ce qu’on y voit
Des visuels en noir et blanc de tables piochées dans un catalogue de meubles rustiques, variations sur le motif recouvertes chacune d’une trame de ligne différente, comme une dentelle graphique (Tabula). À côté, une série d’œuvres sur papier reconstituant (escabeau compris) à la façon d’un mur d’atelier, dix ans de pratique artistique. Plus loin, des couvertures de cahiers de dessins détournées – mais bien alignées -, des planches de BD caviardées par des interventions nettes et sans bavure. Le tout témoignant d’une rigueur pleine de fantaisie.
On aime beaucoup
Cet art modeste et persistant conjuguant avec une concision non dénuée d’humour expérimentation graphique et observation – du monde vivant et des objets qui nous entourent.
Dépasser – Fitzpatrick – Maison Ozenfant
Pourquoi y aller ?
La galerie Fitzpatrick a fermé ses portes rue de Turenne en octobre 2024, tout en s’engageant à poursuivre une programmation itinérante. Ce dialogue entre deux artistes méconnues en constitue la première étape, dans l’écrin moderniste de l’atelier Ozenfant signé le Corbusier.
Ce qu’on y voit
Des dessins et des céramiques de Beatrice Wood (1893-1998) et des peintures de petits formats d’a(1909-1987). Deux artistes qui se sont distinguées par leur désir opiniâtre de créer et de vivre librement bien qu’étant nées femmes. Le parfum du Paris de l’entre-deux-guerres et le fantôme de Marcel Duchamp flottent sur cette exposition somptueusement scénographiée. En suggérant un dialogue entre le passé et le présent, elle souligne également comment l’histoire a façonné la création contemporaine, notamment la peinture figurative.
On aime beaucoup
La rencontre posthume créée par cet accrochage sensible, leçon d’histoire magnifiée par une architecture qui agit comme une machine à remonter le temps.