Antonia Scintilla : une nouvelle page de la Fondation Pernod Ricard
Aux commandes de la maison depuis un peu plus d’un an, la directrice de la Fondation Pernod Ricard raconte les enjeux de ce lieu singulier à Paris pour les années à venir.
Anaël Pigeat : Vous ouvrez cette rentrée un nouveau lieu au sein de la Fondation, Aperto. D’où est née cette idée et quels en sont les principes ?
Antonia Scintilla : Le nouveau site dans lequel nous nous sommes installés n’est pas seulement un changement d’adresse mais de dimension.
L’espace d’exposition est équivalent à celui dont nous disposions rue Boissy d’Anglas, nous avons un auditorium, un café et une librairie. Mais il nous manquait encore un espace qui nous permette d’être plus réactif, de faire des invitations de format plus court et plus divers. L’espace Aperto donne sur la ville, rue d’Amsterdam. Il sera régi par quatre temps, au rythme de nos quatre expositions par an, et accueillera des artistes en résidence (au sens d’un espace de travail). Le premier invité est Konstantinos Kyriakopoulos que nous avons chargé d’aménager l’espace. Il est diplômé de l’Ecole des Beaux-arts de Paris. Ensuite nous accueillons un projet en collaboration avec Bétonsalon autour de la pratique de Pauline Oliveros (1932-2016) : nous serons la chambre d’écoute de ses archives. Puis nous invitons le collectif Too many records, à concevoir un espace d’archivage et de travail, parfois ouvert au public. Et nous finirons l’année en résonnance avec l’exposition dont David Douard est commissaire, centré sur sa pratique peu connue des fanzines.
Eden Tinto Collins, vues d’exposition Do You Believe in Ghosts?, 24e Prix Fondation Pernod Ricard © Aurelien Mole
Quel bilan tirez-vous de ce nouveau site sur la vie de la Fondation ?
Il est très différent de l’ancien site rue Boissy d’Anglas, qui était bien plus en retrait. La fréquentation a doublé. L’inscription dans le quartier est très différente, nous travaillons beaucoup avec les institutions du quartier et la Mairie du 8e, ce qui nous a d’ores et déjà permis de favoriser la rencontre avec un public de proximité. Et nous sommes également bien plus proches des 2000 collaborateurs de Pernod Ricard présents sur le site. Le café Mirette et la librairie font venir un public de passage, qui n’est plus toujours directement lié à l’art, et que nous voulons transformer en visiteurs de la Fondation, et faire revenir.
Ethan Assouline, vues d’exposition Do You Believe in Ghosts?, 24e Prix Fondation Pernod Ricard © Aurelien Mole
Quels sont les axes de la programmation à venir des expositions ?
La Fondation occupe une position à part dans le paysage artistique à Paris, avec le rôle d’un véritable centre d’art. Nous allons nous recentrer sur le soutien à la création émergente, par exemple pour des artistes dont ce sera la première exposition personnelle dans une institution comme Josèfa Ntjam en novembre. Nous allons nous ouvrir aussi davantage à la scène internationale, toujours en dialogue avec la scène française. Nous réfléchissons également à la façon d’exporter cette scène française à l’étranger, en créant des liens avec d’autres institutions. Par exemple, nous soutenons une exposition de Benoit Piéron en collaboration avec la Chisenhale Gallery – une collaboration qui se poursuivra sous la forme d’un véritable projet conçu en commun en 2025-2026.
A gauche : Sophie Bonnet-Pourpet. A droite : Anne Bourse. Vues d’exposition Do You Believe in Ghosts?, 24e Prix Fondation Pernod Ricard © Aurelien Mole
Comment avez-vous structuré le fonctionnement du nouvel auditorium, au regard des anciens programmes de la Fondation ?
Le programme de parole a toujours été très important pour la Fondation. Auparavant, il existait en parallèle des expositions. Aujourd’hui, nous voulons travailler plus en amont avec les programmateurs, pour lier ces programmes, qui croisent d’autres disciplines par le prisme de l’art contemporain, à ce qui se passe dans nos murs. Il y aura notamment un nouveau cycle de Julien Bécourt qui explorera la création sonore, ainsi qu’un programme associé aux expositions, une visite par le commissaire et deux cartes blanches. Le journal de la Fondation, la Traverse, va également changer : ce ne sera plus seulement un écho mais un prolongement de notre programmation.

Pol Taburet, vue d’exposition Do You Believe in Ghosts?, 24e Prix Fondation Pernod Ricard © Aurelien Mole
Comment poursuivez-vous le Prix Fondation Pernod Ricard, à une époque où la notion même de prix est souvent remise en cause ?
Il y a quelque temps avait été introduit le format d’un compagnonnage entre commissaire et artistes nommés pour une année entière. Cela répondait très bien au contexte de la crise sanitaire, mais il est apparu qu’il était souvent difficile de demander aux artistes de produire des éléments accessibles au public pendant le temps de préparation de l’exposition. À l’avenir, ce ne sera plus le cas. Chaque artiste recevra désormais une enveloppe pour sa participation. La dotation du prix pour l’acquisition de l’œuvre lauréate par le Centre Pompidou atteindra quant à elle 20 000 euros, à laquelle s’ajoute un accompagnement pour la réalisation d’un projet à l’étranger. Cette nouvelle formule apporte à chaque artiste nommé la possibilité de disposer d’un texte de fond sur son travail, commandé et soutenu par la Fondation. Enfin, un budget augmenté sera alloué aux catalogues du prix qui ne reflèteront plus uniquement les œuvres choisies, mais témoigneront d’une pluralité de regards et de positions face à elles. Plutôt que de compagnonnage en amont, nous voulons parler d’accompagnement critique tout au long du projet.

Vues d’exposition Do You Believe in Ghosts?, 24e Prix Fondation Pernod Ricard © Aurelien Mole
Ana Vaz, vues d’exposition Do You Believe in Ghosts?, 24e Prix Fondation Pernod Ricard © Aurelien Mole